Produit Brut

Cyrille est jeune agriculteur. Il succède à ses parents avec l'aide de son grand-frère, gravement handicapé. Cyrille est seul, terriblement seul. Il a de la famille. Il a des amis. Il sort de son exploitation pour vendre son beurre ou faire des extras en restauration. Mais, personne ne semble avoir suffisamment d'empathie pour qu'il se sente compris et soutenu. Ce n'est pas de la faute des autres. Ils essaient ou ils pensent comprendre. Simplement, la condition d'agriculteur au XXIème siècle est si éloigné de nos standards sociaux... Comment leur reprocher de ne pas saisir l'abyme dans lequel Cyrille glisse inexorablement?
Ce film documentaire offre un regard sobre, sur une détresse profonde. La réalité brute est suffisamment brutale pour ne pas ajouter du mélo par des effets artificiels. Le réalisateur est économe en musique et en commentaires. Cyrille parle à la caméra comme il parle à ses vaches. Il incarne la sédimentation de l'inacceptable. Il bosse 15 heures par jours. Il ne connaît ni les week-end, ni les vacances. Mais il ne dégage aucun revenu de sa sueur. Il est jugé par son père. Il cumule les mises en demeure recommandé et les significations d'huissier. Et il n'a pas la force de se révolter, ni même l'envie peut-être. L'inacceptable s'est installé dans le paysage agricole depuis tant d'années, que Cyrille finit par l'intégrer.
On fera le parallèle avec Les Fils de la Terre d'Edouard Bergeon, mais les démarches sont très différentes. Rodolphe Marconi veut nous faire partager sa sidération, là où Edouard Bergeon voulait secouer le spectateur. Mais dans les deux cas, il y a quelque chose qui cloche. Si tout le monde achetait le beurre 3 € à Cyrille au lieu de 2,20 € au supermarché, ce serait sans doute la chose la plus utile qu'on puisse faire avec 80 centimes.