Après les succès mérités de La Vie des autres (2007) et de Barbara (2012), tandis que les éventualités d’une résurgence de la guerre froide ne semblent plus autant fantaisistes, D’une vie à l’autre – titre sans doute pas fortuit tant il joue avec celui qui remporta l’Oscar du meilleur film étranger – se penche sur un aspect méconnu des activités de la Stasi, les services secrets de la RDA, consistant à faire d’orphelins des agents infiltrés en Norvège en lieu et place des enfants nés, pendant la Seconde Guerre mondiale, d’une relation entre une norvégienne et un soldat allemand ; enfants eux-mêmes soustraits à leur mère et placés dans des institutions germaniques. Le propre des activités des services secrets, c’est par essence le secret, sous-entendant la manipulation et le trouble, mais aussi le recours à des méthodes brutales (chantage, tortures et assassinats). La complexité de l’histoire de Katrine s’est d’évidence communiquée à l’entière structure du film qui empile ainsi les strates narratives et temporelles, désarçonnant le spectateur égaré.

Faute d’une ligne claire, il en est réduit à conjecturer ou attendre de plus amples éléments, pas dupe cependant que quelque chose cloche dans cette histoire d’évasion de la RDA pour rejoindre, via le Danemark, une mère en Norvège. Lorsque le mystère finit par de dissiper, c’est hélas au profit d’une résolution pour le coup très explicative qui verse aussi dans le sentimental et le lacrymal. En l’occurrence, le malaise provient peut-être de notre appréciation indécise face à Katrine : pitié ou colère ? Et, même si c’est bien la première qui nous anime, et avec elle un sentiment d’effroyable gâchis, on regrette cependant que le processus de construction d’une nouvelle identité ne soit pas davantage détaillé. Georg Maas ne parait pas faire suffisamment confiance à la force de son histoire, l’alourdissant de flashbacks au formalisme appuyé et un peu vain, n’approfondissant pas l’ambiguïté des relations entre les nombreux protagonistes. De son puissant sujet, le réalisateur tire un film à moitié réussi, jouant trop sur l’esthétisme insistant (tonalités, ralentis, grains des scènes de flashbacks), en ne sachant pas porter à l’écran les ravages d’une situation hautement schizophrène.
PatrickBraganti
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le 9 mai 2014

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