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Le réalisateur Spike Lee est sans doute la première personne qui nous vient à l'esprit lorsque l'on parle d'engagement du monde du septième art dans l'émancipation des afro-américains et la lutte contre les discriminations les visant. Un engagement qui pour lui est un véritable combat, profondément ancré dans son cinéma. Un combat qu'il porte donc sur grand écran, mais aussi dans ses apparitions publiques, poussant de réguliers coups de gueule notamment sur l'absence de représentativité pour les Oscars.


Da 5 Bloods, c'est l'histoire de quatre vétérans de la guerre du Vietnam qui retournent, cinquante plus tard, sur le lieu d'une opération dans la jungle pour, officiellement, rapatrier les restes de leur chef d'escadron enterrés sur place. Officieusement, les quatre anciens soldats afro-américains cherchent à mettre la main sur l'objectif de leur ancienne mission : une cargaison de lingots d'or. Cargaison qu'ils avaient déclarée comme volée, mais cachée dans l'espoir de venir la récupérer plus tard.


Da 5 Bloods est un film engagé dans lequel Spike Lee s'en donne à cœur joie. Un engagement qui, tant sur la forme que sur le fond, choque le petit français biberonné à l'universalisme que je suis. Car dans le cinéma de Spike Lee, la radicalité du clivage blanc/noir n'a eu de cesse de croître. Dans Do the Right Thing, ce clivage éclatait à la figure du spectateur à la fin du film. Dans Da 5 Bloods, ce clivage est martelé, tel un mantra. Et qu'importe s'il faut grossir le trait ou doper les statistiques de la guerre du Vietnam en les donnant par une émission de radio de propagande Vietcong. Le clivage est donc exacerbé, tandis que le réalisateur se vautre sur les clichés que véhiculent ses cinq personnages principaux : accents, expressions, fous rires gras et checks qui n'en finissent plus… Spike Lee et les droits civiques des afro-américains, c'est comme Joe Colombo et les droits civiques des italo-américains : une escroquerie.


Du côté de la mise en scène, la durée excessive des plans et la tendance du réalisateur de les doubler, a pour conséquence d'étirer, d'allonger cette chasse au trésor jusqu'à dépasser les 2h30. Les acteurs ne jouent plus, mais prennent la pause, les scènes d'action frisent le ridicule et la musique, de grande qualité, ne s'accorde pas avec la photographie. Et pour couronner le tout, Spike Lee qui tourne en ridicule Apocalypse Now en reprenant le thème de la Chevauchée des Walkyries de Wagner lorsque les cinq anciens combattants se baladent en touristes à Hanoï.


L'intérêt de Da 5 Bloods réside peut-être dans la recherche de la rédemption de certains de ses personnages. Hedy Bouvier, interprétée par Mélanie Thierry, jeune française en mission de déminage d'un pays qu'elle ne connaissait pas, mais que ses aïeux ont exploité pour bâtir leur fortune et Eddie, interprété par Norm Lewis, qui souhaite léguer les lingots d'or à la communauté afro-américaine alors qu'il est fauché par un divorce et des dettes causées par son train de vie. Une recherche, profonde et riche d'enseignements, qui n'est malheureusement qu'effleurée par le réalisateur.


Spike Lee, qui devait présider le jury du Festival de Cannes 2020, échoue à s'emparer de la guerre du Vietnam et à rendre hommage à ces soldats afro-américains partis mourir dans une jungle à des milliers de kilomètres de chez eux. Un juste hommage qui perd malheureusement de sa saveur à cause d'un scénario fumeux, d'un montage bancal et de son engagement politique et sociétal alambiqué..

Vincent-Ruozzi
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le 16 juin 2020

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Vincent Ruozzi

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