Iolanda Cristina Gigliotti ou Cléopâtre

"Est-ce que ça te dirait pas d'aller manger un p'tit kebab et ensuite cinoche ce soir?"
"Ouai carrément, sans crudité mayo! Et on va voir quoi?"
"Dalida"
"Ah...euh...mince...je peux pas j'avais oublié mais j'ai piscine! allez bisous."

Au premier abord, "Dalida" ne semble pas être le film qu'on va voir en mode détente, un samedi soir, après un bon kebab. En effet, le film a pour sujet la vie de la chanteuse égyptienne (sans déconner?! moi je pensais que ça parlait de vaisseaux spatiaux, de batailles galactiques et tout...). Une artiste
qui a performé pendant près de 30 ans, de 1956 à 1986. C'est donc une personnalité assez méconnue pour les générations post-1990. D'elle, nous connaissons seulement certaines chansons, comme le célèbre "Bambino" (Dont Jean Dujardin fait une très belle reprise dans "OSS 117, Le Caire nid d'espions"). C'est donc en tant que néophyte en la matière que je me suis laissé tenter par le film, avec tout de même une certaine appréhension en voyant le nom de la réalisatrice : Lisa Azuelos dont le travail me laissait jusque là pantois...(bha oui on va pas se le cacher mais "LOL" c'était un peu naze, et puis le remake américain avec Miley Cyrus et bien me provoque encore des nausées.).
Mais en sortant de la séance, on ne peut que constater le très bon travail de la réalisatrice, et scénariste qui réussi à livrer un long-métrage aboutit, ou le fond et la forme se nourrissent mutuellement (et non, je ne retourne pas ma veste d'abord!).

L'intelligence du film, c'est de nous présenter Dalida non pas seulement du côté showbiz et chansons mais en s'attardant particulièrement sur la vie privée et amoureuse de la chanteuse (une facette qui mérite le détour). En nous présentant, les passions de Iolanda et ses nombreuses blessures affectives, notamment les suicides de 3 de ses amants ou ex-compagnons mais aussi sa stérilité, la réalisatrice nous permet bien-sur de connaître la vie de la chanteuse mais surtout de la cerner et de comprendre ses chansons (et de les apprécier).

La mise en scène tient à souligner ça puisque le choix a été fait à certains moment du film, comme lorsque l'on découvre un de ses ex-compagnons sans vie, de les accompagner de musiques de Dalida plus ou moins tristes. Ainsi, parfois le ton (pas le poisson hein) de la musique est en accord avec ce que vit le personnage, et la chanson acquiert sa pleine force, grâce à cette contextualisation. Mais à d'autres moments le ton est en désaccord avec les sentiments de Iolanda, et grâce à ce contraste la chanson acquiert une autre dimension. Toujours dans la mise en scène, on peut aussi remarquer les nombreux partis pris, de cadrage avec notamment des très gros plans qui permettent de percevoir tous les micro détails d'un visage et de ressentir pleinement les émotions du personnage filmé. Il y aussi un travail d'ombres et de lumières très intéressant. Outre un effet esthétique appréciable, cette alternance prend une véritable signification. L'ombre indiquant à chaque instant que la mort pèse, rôde autours de la chanteuse, qui par ailleurs a peur du noir, donc de la mort (#LeMecQuiPeteLambiance) Il est aussi nécessaire de souligner l'interprétation juste, vraie et majestueuse de Sveva Alviti dans le rôle titre. Le seul bémol, il me semble, c'est la synchronisation lors des scènes où l'actrice chante. Il doit manquer une ou deux mili-secondes (oui c'est parfois beaucoup...) mais le fait est que l'on s'aperçoit qu'il s'agit de playback, malgré encore une fois un très bon travail de l'actrice.

Ce film présente un double intérêt. En effet, on (re)découvre la vie d'un artiste. De plus, par un véritable effet d'identification, créé par la mise en scène, se produit une sorte de "partage", de "transfert" d'émotions qui part du personnage pour se retrouver chez le spectateur. Et cet aspect vient nourrir le premier, lui donnant encore plus d'intérêt et de force. Dans le même genre, je ne peux que vous conseiller le génialissime "Cloclo" de Florent Emilio Siri, avec le magistral Jérémie Renier. (Le mec qui survend pas du tout le film).

Je vous invite donc à aller voir "Dalida" (enfin"je vous 'invite", je "vous recommande d'aller voir le film" plutôt hein je vais pas te payer ta place non plus!). C'est un très bon film, intéressant et riche qui témoigne d'un véritable travail.