Dallas Buyers Club par Benjicoq
Aaah , le film "caution histoire vraie" sur lequel toute la presse US se tire la nouille depuis des mois (la presse française aussi, dans une moindre mesure). Avec de la performance d'acteur extrême (perte de poids, épilation totale, travestissement, maladie, etc)... Sur un point il faut reconnaitre que derrière la perte de poids très impressionnante (et amplifiée par des vêtements mal coupés exprès) de Matthew McConaughey , derrière le maquillage et le déguisement de Jared Leto, il y a de vraies belles performances. Touchantes, justes, bref, là rien a redire. Par contre pour ce qui est du film... Reste Jennifer Garner qui joue comme une planche, mais bon...
Jean-Marc Vallée avait réalisé le joli C.R.A.Z.Y, et avait enchainé ensuite avec Café de Flore, qui avait l'air tellement calamiteux et racoleur que j'avais fait l'impasse complète dessus. Voir la presse s'exciter sur Dallas Buyers Club m'a motivé pour aller le voir. Ce n'est pas complètement honteux, mais bon, ce n'est pas glorieux.
Ron Woodrof, un bon gros texan raciste, homophobe et misogyne, se découvre atteint du SIDA au moment où cette maladie est incurable et se voit diagnostiquer 30 jours à vivre. L'AZT , médicament anticancéreux qui était considéré comme trop toxique pour être utilisé, se voit proposé pour entrer en phase de test sur l'humain en tant que traitement du SIDA. L'étude en double aveugle ne permet pas a Ron d'avoir la garantie de recevoir le médicament au lieu du Placebo, et il préfère se fournir en AZT de manière moins légale. Quand sa source de médicament de contrebande se tarit, il se voit indiquer un médecin au mexique qui fournit d'autres médicaments, non autorisés par la FDA , qui selon lui sont plus efficaces et qui ne sont pas toxiques comme l'AZT, qu'il interdit à Ron de reprendre. C'est le début d'un trafic de médicaments vers les états unis. Ron va organiser la distribution parallèle de ces traitements auprès de la population infectée de la région, puis s'attaquer à la FDA et l'industrie pharmaceutique, bien entendu de mèche, qui tentent de se faire du fric sur le dos des sidaiques, au mépris de leur santé.
Le premier problème c'est déjà que la caution histoire vraie ne fait pas long feu. parce que le scénario prend des raccourcis vraiment gênants pour avoir un bon antagoniste bien dégueulasse et monolithique. La façon que le film a d'associer les études sur les médicaments avec une espèce de complot financier entre la FDA et l'industrie pharmaceutique, tout ça au mépris de la santé des malades , en ignorant sciemment des traitements alternatifs efficaces est assez répugnante. La FDA est clairement loin d'être un acteur neutre dans la réalité, mais cette vision du monde pharmaceutique est d'un autre âge et n'est pas à mettre au crédit des scénaristes . Ensuite parce que l'AZT, présenté dans le film comme un poison immonde a en réalité eu des résultats moins caricaturaux. prolonger la vie de patients mourants d'un an ou deux, c'était bel et bien son efficacité . Et avec une maladie mortelle à 100%, c'est un énorme progrès a l'époque. Enfin, les traitements "alternatifs" que Ron importe du Mexique, puis d'autres pays comme le Japon , présentés comme plus efficaces, avec moins d'effets secondaires (le film ne montre AUCUN effet secondaire, d'ailleurs), se sont révélés inefficaces, et abandonnés très rapidement. Ron se targue même de faire des "études scientifiques" pour prouver que son traitement est efficace. Alors que le film les présente clairement comme la source du prolongement de la vie de Ron.
Tout ça contribue à la diffusion d'un discours général qu'on entend pas mal, même aujourd'hui qui m'inquiète beaucoup, l'idée que le grand complot pharmaceutique ignore des traitements plus efficaces, moins chers pour faire un max de profit , et qu'on devrait écouter des gens qui déclarent avoir des résultats. Le souci, c'est que si on se passe de ces fameuses études en double aveugle, on se retrouve avec des médicaments qui sont utilisés à tort et avec parfois des morts à la clé, et après le grand public est le premier a râler quand on découvre des médicaments mal testés...
Ensuite, le problème c'est que le film est assez bancal. Il alterne entre des scènes qui ne s'épargnent aucun pathos (la maladie, les morts, et vas-y que ça chiale) et des scènes très différentes ou Ron fait le trafiquant de médocs, avec déguisements de prêtre, bagout, dans un registre beaucoup plus léger et dynamique. On est entre Philadelphia , Erin Brokovich, et Bienvenue chez les Miller. Et tout ça ne fonctionne pas ensemble. Ron passe de connard homophobe et raciste du fin fond du texas à 100% saint, avec une secrétaire noire et un collaborateur transgenre et homosexuel, sans que le conflit moral soit montré, ni évoqué. Il se rend surement compte instantanément (après une partie de cartes) que les homos c'est pas des monstres et que les noirs , bah ils sont suffisamment humains pour qu'on puisse les employer, en fait.