J'ai beaucoup aimé le premier tiers du film où l'on voit Ron sombrer puis se sublimer dans le contexte social et clinique de la maladie des années 80. Pour lui le sida c'est avant tout la maladie des "pédés", leur malédiction pour leur contre-nature, pour négliger son Saint Graal, la chatte. Ouvertement homophobe il divise le monde en deux catégories, les hétéros et les "tapettes". Diagnostiqué séropositif pour le HIV et enterré dans les trente jours, il est d'abord persuadé qu'il s'agit d'une erreur dans les échantillons, que le sien et celui d'une "tarlouse" ont été intervertis. Il est invulnérable pense-t'il, c'est le roi du rodéo, tant dans l'arène qu'au pieu. Et puis un jour, boum. Il se réveille une nouvelle fois à l'hôpital. Et puis il se renseigne sur la maladie. Merde, les hétérosexuels aussi sont concernés! Vite, les traitements... La FDA lance un essai sur l'AZT en double aveugle? Il faut que j'en sois! Seulement essai en double aveugle signifie que ni le patient ni le médecin ne savent qui prend le placebo et qui prend la molécule thymidinique monsieur! Quoi? Comment ça? Vous filez des bonbons à des mourants?
Tant pis, il en achètera au black à un technicien de surface de l'hôpital référant puis ira se fournir aux quatre coins du monde en diverses molécules miracles non approuvées par la Food & Drug Administration (vitamines, peptides T, fluconazole, zidovudine, interférons... allez et un peu de minéraux). Pendant cette période il lance, d'abord en solo puis avec son ancien voisin de chambrée Rayon, le Dallas Buyers Club. On n'y achète pas de médicaments mais des cartes d'adhérents pour 400 dollars par mois. En échange c'est buffet à volonté. C'est également à ce moment-là que ses préjugés tombent : si face à la maladie nous sommes égaux, pourquoi ne pas l'être tout simplement dans la santé? Puis son avidité originelle se transforme en combat pour la liberté de se soigner. Lui, évidemment, mais surtout les autres. Sublimation altruiste et tolérance dans un même corps.

Ce premier tiers est vraiment brillant, très fouillé et regorge de petits détails qui confèrent au film son authenticité et sa sincérité : la stigmatisation des homosexuels, l'ignorance du pékin moyen quant au mode de transmission du virus (l'un a peur d'être contaminé parce que Ron lui a craché dessus, l'autre récupère son argent à travers une poche plastique), le déroulement des essais cliniques en double aveugle... Le reste du film n'est pas mauvais non plus mais entre dans un rythme de croisière assez monotone et donc légèrement ennuyant. La lutte contre la FDA, bien que filmée à plusieurs reprises, est assez vite expédiée et très peu détaillée (le travail fait par son avocat aurait sans doute mérité meilleur traitement). De plus le comportement assez ambiguë de Ron vis-à-vis de la FDA m'a embêté car d'une part il leur reproche leurs tests sur l'AZT et d'autre part il gave ses "patients" de produits rendant invisible un quelconque traitement efficace. C'est à dire qu'il jette un peu bébé avec l'eau du bain. Il voudrait un traitement contre le sida mais en même temps que tout le monde puisse se soigner avec n'importe quoi, donc entraver la recherche...

Pour parler plus technique, la mise en scène m'a semblé trop effacé et misant trop sur le jeu démentiel de McConaughey et Leto et je commence à en avoir marre de ces films seulement portés par les épaules de leurs comédiens. Quand je vois Leto expectorer du sang et lâcher tout en sanglotant qu'il ne veut pas mourir ça m’énerve. Je ne demande pas des violons mais quelque chose de nouveau, de plus inventif ou fantaisiste (sans rentrer dans le mauvais goût) ou carrément ne pas filmer de telle scène (ou alors les couper au montage).
blig
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le 30 janv. 2014

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blig

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