A ma connaissance, il me semble que Dalton Trumbo soit le premier film consacré à un scénariste, à la productivité hors du commun, et qui a été frappé de plein fouet par le Maccarthysme et la chasse aux communistes dans les années 1950.
Alors qu'il avait écrit le scénario de Vacances romaines, sous pseudonymes, ses sympathies à l'égard du régime communiste lui vaudra non seulement une peine de prison, mais aussi d'être blacklisté par Hollywood. Cependant, il ne pouvait pas s'arrêter de travailler, il avait une femme et trois enfants, et décida de travailler pour les frères King, à un tarif moindre, et toujours sans être crédité aux génériques des films, sans autres noms que divers pseudos ou des prêtes-noms, dont l'admirable Gun Crazy.
Le sujet me passionne, l'époque aussi, car c'était la plus trouble vécue par Hollywood, où des gens sont même morts parce qu'ils étaient communistes, et n'avaient donc rien fait de mal en soi. Mais le patriotisme exacerbé, ravivé par des gens comme John Wayne ou Ronald Reagan, était plus fort, et d'autres devaient en payer le prix.
Dans la cinéphilie, Dalton Trumbo est bien entendu quelqu'un qui m'est cher, qui a écrit beaucoup de grands films, en plus de ceux cités plus haut. Je pourrais rajouter Le rôdeur (à voir absolument), Menaces dans la nuit, Spartacus, Exodus, et tant d'autres, y compris l'un d'entre eux que j'aimerais voir ; Les clameurs se sont tues. N'oublions pas qu'il a aussi réalisé un seul film, le formidable Johnny got his gun, qui n'est d'ailleurs pas cité.
Ce qui prouve que le sujet en lui-même peut être plus intéressant que la forme, que je trouve d'une grande banalité, à tel point que j'ai cru au départ qu'il s'agissait d'un téléfilm HBO, car le réalisateur Jay Roach a beaucoup travaillé pour la chaine câblée. On ne sent pas vraiment le sentiment d'oppression ou de peur qui accompagnaient cette époque, celle d'être dénoncé par un voisin, le manque à gagner, le fait d'être montré du doigt parce qu'on est un rouge, je ne vois pas ça dans le film.
A la place, on a un personnage bonhomme, qui prend tout ça presque bon pied bon œil, qui va en prison comme il irait dans un hôtel miteux, sans que ça ne perturbe sa vie, et qui va compenser son blacklistage en travaillant sur plusieurs scénarios à la fois, 16 heures par jour, avec l'aide de ses enfants et sa femme, avec un système très élaboré de téléphones, et qui avait l'habitude d'écrire dans sa baignoire.
Le risque aussi dans ce genre de films est dans la ressemblance et le jeu des acteurs incarnant d'autres noms du cinéma ; Bryan Cranston pour Trumbo est effectivement bluffant, faisant montre de son physique gringalet, mais qui cachait une incroyable envie de vivre. On croise aussi Edward G Robinson, John Wayne (incarné par son sosie le moins ressemblant), Otto Preminger, et Kirk Douglas, les deux derniers ayant joué un rôle décisif dans sa réhabilitation en l'engageant sous son véritable nom pour respectivement Exodus et Spartacus.
Et puis, le véritable problème à mes yeux est que ça ne parle pas beaucoup de cinéma, notamment la place prise par Elle Fanning, qui joue sa fille ainée, et qui va se découvrir une vocation activiste, et se révolter devant les conditions de travail de son père. Et je pourrais aussi tiquer sur Helen Mirren, incarnant Hedda Hopper, la plus célèbre colporteuse de ragots de Hollywood, qui ne sert vraiment à rien, alors que dans la réalité, elle mettait beaucoup de bâtons dans les roues de Trumbo.
C'est vraiment dommage qu'il n'y ait pas eu un réalisateur plus ambitieux derrière la caméra, qui nous aurait fait davantage comprendre la complexité de cette époque, mais je dirais que le film est à voir pour le sujet.