[Ma critique contient de très nombreux spoilers, assurez-vous d'avoir vu le film avant]
Dancer In The Dark fut mon premier contact avec l'univers très sombre de Lars Von Trier, on m'avait parlé de ce film en bien, et lors d'un premier visionnage j'en étais ressorti conquis.
Néanmoins le premier visionnage que j'ai fait de ce film remonte à 2011, je ne l'avait jamais revisionné depuis.
Or, pour moi le temps a souvent pour défaut d'embellir dans ma mémoire les œuvres que je considère comme marquantes, le souvenir de ces œuvres restant paradoxalement assez flou, le tourbillon émotionnel que m'ont provoquées ces dernières subsiste
Vous l'aurez compris, Dancer in The Dark fait parti des ces œuvres.
Du coup je voulais quand même m'assurer 5 ans plus tard si ma mémoire avait raison de continuer à faire ce travail d’embellissement vis à vis de ce film.
Premièrement, le film s'ouvre sur une introduction de quelques minutes, sur fond de musique orchestrale où s'enchaîne les plans sur des tâches colorées où l'on arrive assez difficilement à discerner ce que l'on voit derrière, puis le film débute "vraiment".
Ca sera la seule scène que je qualifierait d'expérimentale du film qui s'avère être une métaphore du propos principal du film qu'est la cécité.
La cécité visuelle dont est atteinte le personnage du film, la cécité de la Justice, la cécité de l'égoïsme (on ne voit que sa propre personne mais pas les autres), la cécité de nos préjugés qui nous aveuglent..
La cécité n'est pas le fait de ne plus rien voir, mais de voir les choses de manière unilatérale, et cela est développé tout au long du film dans les différents sujets que Von Trier aborde.
Des sujets, il en aborde, beaucoup, et un peu trop même, ce qui conduit à un défaut que je considère comme majeur dans le film, et de ce fait ne va pas forcément toujours au bout de sa critique d'un sujet.
Par exemple, Selma est une immigrée Tchécoslovaque, il aborde la question du déterminisme social, car sont condamnés à travailler en usine dans des conditions de merde, et sous payés en prime, et les conditions de travail à l'usine, qui par ailleurs, sont incompatibles avec les personnes souffrant d'un handicap, et c'est la seul critique qu'il en fera car on verra dans le film qu'elle ne peut travailler sans l’assistance de quelqu'un et qu'elle sera plus tard dans le film virée à cause de ça, alors qu'il aurait pu s'attarder sur d'autres dimensions comme la condition ouvrière des femmes immigrés en provenance de l'Europe de l'Est au sein de l'usine.
Mais bon, la lutte syndicale n'étant pas le propos principal du film et comme Selma ne semble pas être une syndicaliste dans l'âme, elle se satisfait de sa condition d'exploitée, du moment que ça lui rapporte de l'argent pour l'opération de son fils, on l'excusera, mais je trouve que le film aurait pu gagner en profondeur de ce côté-là.
Parlons désormais du personnage de Selma, plutôt complexe, c'est un personnage assez naïf qui ne se rend pas spécialement compte de la complexité de la vie et qui semble avoir du mal à décoder les intentions des autres tant qu'ils ne l'ont pas clairement annoncé et a clairement du mal à comprendre ce qu'il se passe autour d'elle. Un personnage lunatique qui se laisse absorber par ses rêveries conscientes où elle plonge au cœur d'une comédie musicale dont elle est l'héroïne. Une chose à ses yeux compte plus que tout, même plus que sa propre personne, l'opération de son fils afin qu'il ne connaisse pas à son tour la cécité, raison pour laquelle elle a immigré aux USA avec lui et pour laquelle elle travaille si dur.
Souffre-t-elle d'une pathologie mentale en plus de sa condition d'aveugle ?
Je n'ai pas envie de me lancer dans des théories et analyses foireuses, mais curieusement, je ne suis tombé sur aucunes critiques analysant le personnage de Selma, aussi bien françaises qu'anglaises, alors qu'il mériterait de l'être.
Concernant les autres personnages on ne leur accorde que vraiment que très peu d'importance, certains personnages n'ont vraiment qu'une utilité purement symbolique, comme le personnage de Jeff, le "nice guy", sans pour autant qu'ils aient une vraie profondeur, ce qui est bien dommage.
Côté jeu d'acteur, je vais m'aligner sur la doxa, je trouve que Björk est juste époustouflante, et je comprends pourquoi elle a gagné le prix de la meilleure actrice à Cannes, elle arrive à nous faire transmettre des émotions, elle ne fait qu'un avec son personnage, c'est absolument génial, et je trouve ça réellement dommage qu'elle n'ait pas embrassée une carrière d'actrice en parallèle de sa carrière de chanteuse.
Globalement, le jeu des acteurs est plutôt bon, mais vu la performance de Björk, on va dire que je les ai trouvé vraiment dans l'ombre de cette dernière, gros point noir quand même, qui a probablement été souligné maintes fois, l'accent bien français de Catherine Deneuve qui nous donne l'impression qu'elle joue très mal.
On a souvent dit que le film faisait une éloge du misérabilisme, c'est bien sûr évident qu'il ne respire pas la joie de vivre, et que Lars Von Trier a un faible pour le pathos et qui aime voir ses personnages souffrir.
On aime ou on déteste, personnellement ça ne m'a jamais dérangé, car je n'ai jamais trouvé ça grotesque, tant que c'est bien joué.
5 ans plus tard, force est de constater que c'est un film qui me prend toujours autant aux tripes, qui me donne envie de chialer comme une grosse merde et me provoque toujours un tourbillon émotionnel aussi intense, je n'arriverai probablement pas à ternir sa réputation en mon for intérieur avant un bon moment.