Dans la catégorie des cinéastes académiques, maitres des productions aussi attendues que lisses, Tom Hooper est sans conteste l'un des plus doués du moment, tant chacune de ses péloches semblent destinées à s'inscrire dans la course aux statuettes dorée au moment de leur sortie en salles.


De la concurrence presque déloyale, le bonhomme mettant même un point d'honneur a attirer dans ses filets une pluie de talents bien content d'arracher une potentielle nomination aux oscars en se frottant à sa caméra.


Après Le Discours d'un Roi (grand gagnant des oscars 2011) et Les Misérables (qui avait lui aussi tirer son épingle du jeu durant les oscars 2013), le voilà de retour avec une troisième machine calibrée pour la saison, Danish Girl, projet au long cours (passé entre plusieurs mains, dont celles de Nicole Kidman) et pour lequel il retrouve Eddie Redmayne - déjà des Misérables.


Dit Eddie qui est le dernier comédien a avoir raflé l'oscar du meilleur acteur, pour sa performance époustouflante dans le sublime Une Merveilleuse Histoire du Temps de James Marsh.Et il l'a senti, le Redmayne, le rôle difficile qui pouvait lui faire opéré un doublé triomphal, à l'instar de l'inestimable Tom Hanks entre 1993 (pour Philadelphie) et 1994 (pour Forrest Gump).


Porté par un casting pimpant (Redmayne donc, Alicia Vikander, Matthias Schoenaerts, Amber Heard, Ben Whishaw), Danish Girl conte l'histoire vraie de Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue comme la première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle en 1930.


Le mariage et le travail de Lili et de Gerda Wegener évoluent alors qu’ils s’embarquent sur les territoires encore inconnus du transgenre.


Peinture vivante d'un pionnier assumant sa transidentité sous forme de fresque romanesque à la sensibilité renversante et esthétiquement soigné (des costumes au décors d'époque), la péloche est un drame poignant sur l'incertitude identitaire dans une société d'entre deux guerres ou l'homosexualité et le transgendérisme étaient méchamment réprimandés et pris à partie - pour être poli.


Un sujet épineux et difficile que Tom Hooper traite avec délicatesse et maitrise - mais sans véritable passion - en focalisant totalement son histoire sur l'amour sincère qui unit Einar et Gerda, couple d'artistes complice et à l'empathie folle, qui voit son destin chamboulé à la suite d'une séance d'essayage à la révélation dévastatrice.


Mais plus que le parcours initiatique et semé d'embuches d'un homme qui devient femme par nécessité (dommage que le réalisateur n'use pas plus du parallèle entre la société de l'époque et celle actuelle, ou le sujets de l'homosexualité et le transgenre font toujours débat), c'est véritablement quand Hooper s'intéresse au personnage de Greta qu'il tutoie la grâce; une femme aimante et dévouée capable de tout par amour pour son mari, quitte à le tuer (symboliquement) pour mieux le sauver.


Ce deuil sentimental vibrant, cette force teintée d'une fidélité et d'un respect inébranlable pour l'être aimé qui devient réellement lui-même tout en étant complétement différent; est la glue qui solidifie le douloureux et tragique processus de transition qu'incarne le métrage.


D'autant plus que le personnage est campée par la merveilleuse Alicia Vikander, voleuse de vedette en puissance, dont la sobriété et la justesse rattrape grandement la performance bien moins louable d'un Eddie Redmayne se fondant - physiquement - parfaitement dans le personnage (son visage androgyne et son corps fluet aidant beaucoup) à défaut de signer une performance convaincante, coincée entre une mièvrerie exaspérante et une exagération marquée.


Convenu, académique, un poil trop poli mais pas pour autant maitrisé, incroyablement juste et d'une finesse rare, Danish Girl est une ode poignante et engagée pour la différence, une récit sensible et poétique sur une romance aussi tragique qu'envoutante.


Même si on lui préfèrera sans hésiter le merveilleux Laurence Anyways de Xavier Dolan et le plus fou Une Nouvelle Amie de François Ozon, le nouveau Hooper n'en demeure pas moins une séance incontournable d'un mois de janvier ou il incarne sans conteste, l'une des attractions majeurs.


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.com/2016/01/critique-danish-girl.html

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le 18 janv. 2016

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