Un propos touchant, une époque bien retranscrite (même si certains décors de rue eu début du film m’ont tout l’air de fleurer le carton pâte), des acteurs convaincants, une réalisation soignée, une musique pleine de bonne volonté, The danish girl place beaucoup de bons points sous ses jupons.


D’autant qu’il suffit de regarder quelques images pour se rendre compte de la féminité d’Eddie Redmayne et de la pertinence dans le choix de l’acteur.


On pourrait croire qu’il n’y a que des bons points, et pourtant the danish girl ne dépasse pas le stade des bonnes intentions, du film intéressant à bien des titres mais jamais transcendant.
Il a la bonne idée de ne pas s’attacher au seul destin de Lily Elbe mais de vivre son histoire sous l’angle du couple qu’il/elle forme avec sa femme.
C’est une approche qui pourrait nous aider à appréhender ce qu’implique un “changement de sexe” (ou ré-attribution d’après ce que j’ai pu lire), les conséquences pour l’entourage, la manière dont la révélation puis l’acceptation s’opèrent (c’est le cas de le dire).
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On frôle tout ça dans le film: on a l’impression de pouvoir comprendre l’intimité de ce couple qui tout à la fois s’accepte, s’encourage et ne se reconnait plus au fur et à mesure que Lily assume sa présence.


Malheureusement, la façon dont cette histoire extraordinaire est racontée est assez scolaire, à vouloir rester dans un travail qui respecte ses personnages, on a l’impression que c’est trop sage, trop lisse. A l’image de Lily qui se contente de sourire en permanence, le film ne propose qu’une voie très linéaire alors qu’on imagine que le combat contre la morale, son propre esprit, son entourage, se tient à tous les niveaux et implique de multiples ramifications.


Faire sourire l’acteur en permanence, c’était sans doute parce que ça accentue la finesse de ses traits et renforce son aspect féminin, mais du coup ce sourire semble de plus en plus factice et on finit par ne plus pouvoir le voir en peinture (comme c’est approprié pour un film suivant des peintres).


Hooper opte pour une trame simplifiée sans doute afin d’éviter de commettre un impair et de blesser les personnes directement concernées par le sujet (qui du coup estiment qu’il est anormal de prendre un acteur pour incarner un transsexuel alors que ça ne choque personne que des acteurs qui incarnent des criminels ne le soient pas eux-même).
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N’empêche que je suis persuadée que certains découvriront avec ce film ce qu’être inadapté à son apparence veut dire, et pourra mesurer l’écart entre le fait de se trouver légèrement mal dans son corps parce qu’il est toujours trop gros, trop laid, trop ceci ou cela et le fait de se sentir étranger à soi même en totalité.
Un sentiment qui doit être aussi très différent d’une personne à une autre, qui doit dans tous les cas être difficile à expliquer, difficile à retranscrire, et pour lequel on tombe vite dans la simplification facile ou dans le cliché et pour lequel l’extrapolation psychologique est intrinsèque..


Non le sujet n’était pas évident, et même si aujourd’hui on a conscience de son existence, il faut bien reconnaitre que ça reste un phénomène assez marginal et globalement toujours peu accepté par la société bien pensante.


N’empêche que ça n’est pas pour ça que le film ne décolle pas.


Non ce qui est dérangeant c’est d’une part le personnage de Lily qui semble très égoïste dans son cheminement et ne génère pas beaucoup d’empathie.
Certes ce qu’Einar Wegener a vécu et son parcours pour en arriver à devenir Lily est le combat d’une vie, mais plus on avance dans le film et plus on a l’impression que Lily n’a pas du tout de compassion pour sa femme, qu’elle ne reprend pas les sentiments d’Einar, comme s’il s’agissait d’un véritable dédoublement de la personnalité.


Ca s’adapte difficilement au travail de Gerda qui s’emploie à mettre en lumière énormément de relations lesbiennes, laissant penser qu’elle est aussi amoureuse de Lily que d’Einar (peut être d’ailleurs aimait-elle déjà l’aspect féminin d’Einar avant de voir Lily apparaitre).
C’est une disparité qui m’est surtout apparue depuis que j’ai cherché à en savoir plus sur le travail de Gerda, et en me rendant compte que le film mettait l’accent sur les toiles les plus “sages” de l’artiste, et pas sur tout ce qui aurait pu nous choquer davantage.


Il en va de la vie de couple comme des tableaux: on reste au stade du survol, sans doute pour éviter de choquer, ou bien pour éviter d’être taxé d’en faire trop pour appâter le chaland.
n’empêche que du coup c’est un peu décevant de voir à quel point certains scènes intimes semblent plus poussées quand il s’agit d’Einar/Gerda et presque inexistantes dès qu’on a affaire à Lily/Gerda.


Peut être que ce changement correspond à la réalité, et dans ce cas les nombreux tableaux lesbiens de Gerda ne seraient que l’expression de ses fantasmes inassouvies (ou assouvis mais pas avec Lily).
Peut être aussi que Gerda était attirée par les femmes mais pas Lily.
N’empêche que du coup on a quand même un drôle de décalage entre un mari qui semble adorer sa femme au départ, une femme qui fait tout pour laisser son mari exprimer sa féminité, puis d’un coup un revirement, une absence de sentiments aussi nette de la part de Lily.


Ce qui m’a perturbée c’est l’absence d’ambiguïté dans le couple une fois que Lily existe, alors que ça ne correspond pas vraiment à ce que Gerda montre dans ses peintures. Et des sentiments qui sont aux abonnés absents alors qu’on ne demande qu’à comprendre et accompagner le combat de Lily et le dévouement de Gerda.


Un film qui tombe un peu à plat par rapport à son potentiel, bien réalisé, bien joli, mais pas assez saisissant. (alors que les deux spectatrices assises derrière moi pendant le film semblaient inconsolables à la fin ce que je ne m’explique pas).

iori
6
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le 29 janv. 2016

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iori

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