Bienvenue dans les jolies couleurs danoises en 1926. On découvre les paysages à travers les plans splendides de Tom Hooper et les peintures (aussi splendides) d’Einar Wegener. Et c’est la vie et l’évolution de ce peintre que nous allons suivre à travers sa véritable histoire : il est la première personne à avoir subi une chirurgie afin de changer de sexe et de devenir une femme. Le film traite d’un sujet tabou, encore plus que l’homosexualité qui commence à rentrer dans les mœurs. Je dois dire tout d’abord que j’admire les personnes osant subir ces opérations dites de « réattribution sexuelle », terme que je trouve pour le moins bien choisi puisque dans -réattribution-, on saisit bien l’idée que Einar, ou plutôt Lili, dans le film s’entête à expliquer à sa femme. Il est femme, il se sent femme, c’est seulement « une erreur de la nature » de lui avoir attribué des organes masculins. J’admire les personnes osant sortir dans la rue sachant pertinemment que les petits esprits vont les regarder de travers, j’admire leur courage et la force qu’ils ont d’être eux même et d’amplifier ce qui est caché en eux les faisant souffrir. Après avoir vu Carol la semaine dernière, j’étais prête pour affronter la dureté de certaines scènes de ce film dans lesquelles la joyeuse société des années 30 rejettent tous ces animaux différents que sont les êtres humains osant souffrir d’un mal identitaire ou osant aimer quelqu’un du même sexe qu’eux : lorsque Lili se fait agresser, je me prends les coups avec elle et me sens oppressée face à cette violence non justifiée et virulente qui pourtant est bien réelle et quotidienne dans notre société.
Après François Ozon et sa Nouvelle Amie, c’est Tom Hooper qui s’attaque au gros morceau et qui arrive à traiter avec perfection le thème de la transsexualité et le mettre magnifiquement bien en image. Les scènes, quelles qu’elles soient sont aussi vraies que l’est l’histoire originale. Quand Einar découvre sa féminité et fait naître Lili, nous captons toute la délicatesse dont elle dispose à travers ses doigts parcourant le tissu de la robe qu’il doit porter pour poser pour sa femme, également peintre. Délicatesse qui ne cesse d’exister durant tout le film, Eddie Redmayne qui incarne Einar/Lili l’interprète avec une grâce respectable et admirable. L’importance des mains encore une fois ne fait aucun doute puisque c’est avec celles ci qu’il touche son corps, qui lui devient étranger dans sa masculinité et c’est leurs mouvements qu’il essaye de changer en regardant celles des femmes qu’ils croisent, comme lors de la scène du cabaret où il tente d’imiter les gestes d’une femme. La tendresse et la douceur sont maître mots de ce film grâce à l’histoire d’amour d’Einar et sa femme Gerda, jouée par Alicia Vikander. Les couleurs sont réchauffées par leur amour, et par l’ambiance de ces années folles et ces costumes ici aussi magnifiques, mais froides à certains moments à cause de la fraîcheur de l’air danois et des scènes plus brutales où les mots d’ordre deviennent peur, malheur et souffrance. Les plans mettent tellement en valeur les acteurs par leur beauté et le soin des détails employé par le réalisateur que n’importe quel homophobe/transphobe devrait pouvoir avoir un sursaut d’intelligence et apercevoir la souffrance et la bonté que possèdent ces gens comme n’importe quels autres.
Le film possède bien deux héroïnes : Lili et Gerda. Et deux acteurs principaux qui sont magistraux : Eddie Redmayne et Alicia Vikander. Je découvre là une graine de talent qu’est cette dernière, son jeu est somptueux ; elle nous fait passer par toutes ses émotions de femme en restant forte malgré sa douleur, et surtout, elle reste fidèle à celui qu’elle aime qui devient celle. Qu’elle s’adresse à Lili ou à Einar, elle est irrésistible. Leur histoire, leur affection et amour persistant malgré les difficultés offre un joli espoir aux personnes trans et proches de celles-ci dans leur acceptation. Pour Eddie Redmayne, c’est encore un rôle fort et dur après avoir joué Stephen Hawking dans Une merveilleuse histoire du temps pour lequel il avait été oscarisé. Là encore, il ne fait aucune erreur et nous livre une prestation d’une grande sensibilité et d’une grande poésie. Tous les deux nommés aux Oscars 2016, j’ai bon espoir quant à leurs susceptibles récompenses, qui ne seraient pas déméritées. Aussi, Matthias Schoenaert que j’avais adoré dans De rouille et d’os, confirme son grand talent d’acteur en interprétant Hans, ami de longue date de Lili. Le duo d’acteurs s’allie à la perfection pour ouvrir les esprits encore assez réfractaires à la transsexualité.


Cependant, le choix d’un acteur dans le rôle de Lili est discutable et il aurait été intéressant et beau de la voir jouée par une femme trans qui se font de plus en plus nombreuses sur le devant de la scène. Ressortent de ce film deux catégories de gens, ceux qui approuvent la mise en scène et sont bouleversés par le message, ceux qui sont énervés par la façon dont il est traîté. Je fais partie de la première et je continue d’espérer une société où il n’y aurait plus de catégories sociales ou de communautés dans lesquelles on distinguerait les gens par leur identité ou orientation sexuelle mais qu’on considérerait seulement nos caractéristiques communes d’être humain, car si certains les mettent à l’écart à cause de leur différence qui n’en est pas une, ils s’y mettent aussi parfois tous seuls en créant une communauté à part, qui je peux comprendre, était un besoin à un moment donné. Retenons seulement que Danish Girl est un chef d’oeuvre et possède tout ce qu’il faut pour être un bon film. Un sujet de société poignant, de belles images, de bons (très bons) acteurs et des sentiments amoureux. Que demande le peuple ? Un dernier baiser avant de partir peut être…

gwennaelle_m
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le 8 mars 2016

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gwennaelle_m

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