Eddie Redmayne serait-il mal dans sa peau ? Non, bien sûr que non me direz-vous. Ce n'est pas parce qu'un acteur fait une véritable performance en devenant son personnage qu'il n'est pas en paix avec lui-même. Mais dans le cas de Redmayne qui se donne corps et âme à son personnage, déjà avec Stephen Hawking, on se demande si le jeune homme n'aurait pas aimé avoir une autre peau.
Car de performance il est de nouveau question avec ce "Danish Girl", inspiré d'une histoire vraie incroyable et tellement d'actualité bien que très tabou face à une incompréhension humaine forte.
Sous la caméra du réalisateur du "Discours d'un roi", Eddie Redmayne se transforme donc et passe de Einar Wegener, peintre paysagiste ayant son petit succès, à Lili Elbe, sa "cousine" éloignée, en fait lui-même travesti en femme. Un passage qu'il effectue avec grande aisance et efficacité ; mais cette performance est plombée par deux choses : Redmayne ne semble pas assez habité par ses personnages, mais surtout les deux entités ne me semble pas assez distingués l'une de l'autre. Lili apparaît déjà trop chez Einar et son conflit intérieur entre son Animus et son Anima (les côtés homme et femme en psychologie mis en lumière par Carl Jung) ne surprend pas au final alors que c'est bien là le nœud de l'histoire.
Deuxième chose, on peut dire que les interprètes n'ont pas forcément été aidés par la mise en scène d'un classicisme convenu, un poil trop larmoyante et surtout beaucoup trop lisse et correcte pour être prenante. Lili Elbe, véritable pionnière et figure emblématique du "mouvement" transgenre, méritait une histoire plus poignante, avec des hauts très haut et des bas très bas qui n'auraient pas eu besoin d'une mise en scène artificielle pour nous soutirer des larmes.
Un autre problème de cette mise en scène est un rythme un poil étrange, avec une exposition trop rapide, un milieu longuet et une fin ratée qui arrive comme un cheveu sur la soupe.
Malgré tout, l'histoire réussit à nous transporter et à nous tenir en haleine tout du long. Les personnages, portés par Redmayne qui est tout de même grandiose et Alicia Vikander qui ne l'est pas moins, sont excellents. Car derrière la problématique du changement de sexe et tout ce que cela implique de psychologique, il y a la réalité du couple où les rôles s'échangent, l'amour incroyable de Gerda pour Einar, la stupidité due à l'incompréhension globale de cette situation peu commune, la lutte dans l'adversité pour arriver à se connaître et se reconnaître soi-même, etc…
La lutte pour le droit à une sexualité libre est toujours d'actualité, et le combat pour l'amour sera toujours un moteur essentiel de l'humanité. Voir cette histoire, passionnante et touchante, est comme une piqure de rappel que tout cela est possible. Mais le film, tout en servant l'histoire, manque de force pour convaincre totalement ; ce qui est vraiment dommage.
A voir.