Regards de Travers.Début des années 60.Walt Disney tanne depuis 20 ans la romancière londonienne Pamela L. Travers pour qu'elle lui cède les droits d'adaptation des aventures de Mary Poppins mais l'auteur,qui déteste les productions Disney et ne veut pas lâcher cette histoire qui pour elle a des résonances intimes très particulières,a toujours obstinément refusé de donner son accord.Mais là elle est en butte à de graves difficultés financières et doit se résoudre à accepter la proposition de l'américain .Cependant elle exige d'avoir un droit de regard sur le scénario et elle débarque ainsi à L.A.,où elle entame la préparation du film avec le scénariste Don DaGradi et les frères musiciens Robert et Richard Sherman.C'est sauf erreur la première fois que Disney produit un film dont Walt,le fondateur de la firme,est un des principaux personnages,et ce n'est pas une réussite.Le réalisateur John Lee Hancock livre un biopic vieillot et ennuyeux,à la manière de ce qui se faisait dans les années 40-50.Mise en scène statique,musique sirupeuse envahissante,reconstitution d'époque figée et factice qui fait ressembler les décors à un parc Disneyland,seule la belle photo lumineuse rattrape quelque peu la forme du film,et le scénario n'améliore nullement l'ensemble.Il s'agit d'un psychodrame poussif et pesant,d'un intérêt discutable,qui esquisse maladroitement le portrait d'une femme très désagréable.Sèche,coincée,cassante,P.L. Travers est décrite comme une insupportable mégère,une emmerdeuse qui n'hésite pas à revenir sur la parole donnée et va mener la vie dure aux malheureux DaGradi et Sherman,pinaillant sur la moindre virgule du script.Face à elle,l'oncle Walt apparait tel un businessman sympa mais manipulateur et entêté,qui ne lâche jamais l'affaire.Hancock flingue littéralement son film en abusant de flashbacks pénibles qui racontent l'enfance australienne de Pamela,petite fille en adoration devant son père,un type rêveur,poétique et anticonformiste qui était surtout un alcoolique et un abruti irresponsable.Cette seconde narration brise le rythme du film et s'avère moins passionnante encore que la partie hollywoodienne.Elle était néanmoins indispensable à la mécanique de l'oeuvre puisqu'elle explique toute la genèse de "Mary Poppins",qui en est la transposition.Cet exercice de pseudo psychologie finit donc par dessiner les traumatismes de Pamela et expliquer son caractère ainsi que sa relation fusionnelle avec son bouquin.Tout ça n'est guère captivant et c'est très laborieusement conté.Restent quelques instants plus consistants avec ces séances de work in progress entre Travers,le scénariste et les musiciens,qui sont au départ tendues mais évolueront ensuite vers une forme de collaboration apaisée,les rapports entre la romancière et son chauffeur Ralph,qu'elle rabroue au début avant de succomber à la sympathie que dégage cet homme solaire en dépit de ses graves problèmes personnels,ainsi que les scènes finales entre Travers et Disney,quand l'auteur se décide enfin à fendre l'armure.Comme beaucoup de films actuels,il s'agit d'une histoire vraie,mais comme de coutume on ne sait pas trop ce qui relève de la vérité ou de l'imagination des scénaristes.Emma Thompson a tendance à en rajouter dans le genre vieille fille frustrée,ce qui n'arrange pas un personnage déjà chargé,alors que Tom Hanks compose en revanche parfaitement un Disney matois et tout en contrôle,qui prend sur lui afin de ne pas étrangler cette imbuvable bonne femme ou de la renvoyer en Britannie à coups de pompe dans le train.Paul Giamatti est comme d'hab formidable en chauffeur dévoué,empathique et imperturbable,et Bradley Whitford,Jason Schwartzmann et B.J. Novak incarnent avec un enthousiasme contagieux DaGradi et les frangins Sherman.Par contre Colin Farrell,apparemment sous amphètes,est catastrophique dans le rôle de Travers père.