Dans la boîte
3.5
Dans la boîte

Court-métrage de Victor Bonnefoy (2017)

( Petite mise en contexte ) Victor Bonnefoy, ou plutôt "inthepanda" est un vidéaste reconnu pour ses critiques cinéma, mais surtout pour sa websérie Unknown Movies où le spectateur suit les périples de David, un tueur en série cinéphile. Ce youtubeur a habitué sa communauté à des vidéos très scénarisées, mêlant meurtres, suspense, enjeux familiaux et analyses pointues à propos du cinéma. Un contenu ambitieux, donc ! Ainsi, lorsque Victor Bonnefoy poste son court métrage Dans la boîte, son public a des attentes et...


PAF. A peine plus de trois sur Sens Critique.


Violent. Et je ne peux blâmer de tels résultats, aussi étrange que cela puisse paraître puisque je n'ai pas passé un piètre moment. En effet, hier, entre deux Unknown Movies, j'ai visionné son nouveau court métrage, Anywhere. Grosse déception. Je pouvais anticiper la plupart des plans et situations, bien qu'étant assez néophyte en matière de cinéma. Je le trouvais pauvre et je pense que mon dépit n'aurait pas été aussi grand si je ne connaissais pas Unknown Movies, ou même les propos de Victor Bonnefoy sur l'importance d'oser au cinéma, d'innover. Alors, je me suis tournée vers Dans la boîte en m'attendant à rien, connaissant par ailleurs sa mauvaise réputation sur Sens Critique. ( fin de la mise en contexte )


Le court métrage s'ouvre sur un plan séquence où Hugo entre dans une boîte de nuit et salue ses camarades de travail. Pour le coup, je n'ai rien à redire sur l'usage du plan séquence, pourtant assez critiqué par ici. Cela permet de rendre les présentations des personnages assez fluides et spontanées, d'avoir la sensation "d'être" dans cette fameuse boîte. Néanmoins, le jeu d'acteurs me fait assez tiquer, un peu surjoué pour le D.J et carrément grotesque pour le patron de boîte. Il n'y a aucune raison qui explique pourquoi le patron est si froid, sec envers Hugo. Un "tu es encore en retard !" aurait pu permettre de comprendre au visionneur le mépris du personnage d'emblée envers Hugo mais là, on voit juste un mec qui s'égosille. Bon, il s'agit d'un détail, mais cela m'a marquée. On comprend que l'enjeu principal va être la confrontation entre Hugo et sa copine, aussi travailleuse à la boîte, qui lui a menti en disant qu'elle ne travaillait pas ce jour-là et qui a accepté de faire un show en topless - ce qui semble déplaire à Hugo -.


S'enchaînent des plans sur la soirée à la boîte où des jeunes dansent. La lumière et les couleurs sont très belles. L'utilisation du ralenti bien maîtrisée. Vraiment, s'il y a quelque chose que je ne peux critiquer ici, c'est la beauté des plans. Bon, je passe sur la musique de fond, elle est désastreuse, après, on est en boîte, et c'est un peu le dernier endroit sur Terre où l'on peut trouver de la musique appréciable - j'hyperbole un peu -.


On quitte la piste de danse pour suivre les discussions entre Chloé ( la copine d'Hugo ) / son amie et Hugo / Le DJ qui font écho l'une à l'autre - le rythme du montage est d'ailleurs bien mené -. Ainsi le visionneur comprend ce qui était déjà bien suggéré, les tensions entre le couple Hugo et Chloé s'accumulent, se forment sur des non-dits... Alors oui, cela tourne un peu en rond, je comprends que la plupart des gens trouvent le dialogue assez creux entre les différents protagonistes, dans la mesure où on ne voit pas vraiment ce qui cloche dans ce couple. Cela fait depuis trois ans qu'ils sont ensembles, et pourtant, ce ne sont que des broutilles du style "il ne dit même pas que la musique que j'écoute ne lui plaît pas" qui leur font remettre en cause leur couple. Enfin, je pense que cela surprend plus d'un. Peut-être est-ce, justement, parce que le couple ne se dit rien et qu'il est assez saisissant de remarquer comment le manque de communication peut détruire une relation, même de longue durée. Je pense que c'est ce que voulait suggérer le dialogue, et on peut le comprendre, mais il aurait été bon de s'épargner quelques maladresses ! Pourtant, ces dialogues, aussi anodins semblent-ils, comportent pour moi une réflexion intéressante à propos du slut shaming, du rapport au corps de son ou sa partenaire. Chloé souhaite juste se montrer topless ou du moins, en soutien-gorge sur la piste. Pourquoi tant de polémique ? Son corps n'appartient qu'à elle, pourtant, elle n'ignore pas que Hugo montrera de sérieuses réserves alors que, comme elle le dit si bien "évidemment que c'est pareil. Un mec ou une meuf torse-nu/e, c'est la même chose (...) on donne aux gens ce qu'ils veulent, ce n'est pas ma faute si c'est des cons". On peut penser que je sur-analyse ce passage, mais connaissant les positions de Victor Bonnefoy, je ne doute pas qu'il ait voulu amener une réflexion à ce sujet, poussant au visionneur à se demander quelle réaction il aurait eu à la place des protagonistes.


Chloé et son amie arrivent sur la piste de danse. Des plans encore une fois avec une bonne esthétique, gestion des lumières... Le directeur de la photographie assure plutôt bien. Et là, "ça tourne mal", un homme va pour déshabiller Chloé alors que cela n'était pas prévu dans le contrat, Hugo s'élance sur le mec en question et noir. S'en suit un échange entre Chloé, Hugo - fracassé - et le patron de la boîte. On comprend que le monde de la boîte est bien plus sordide que Chloé l'aurait pensé et que le patron en a strictement rien à faire car "ils n'ont pas eu leur quota de nanas". Encore une fois, son jeu est ignoble, je pense qu'il y avait une volonté de susciter le rire avec ce personnage qui, en hurlant ne cesse de répéter qu'il ne faut pas s'énerver, mais cela ne prend pas. Je passe la scène de dialogue entre Chloé et Hugo, où on n'apprend pas davantage que lors des conversations avec leurs amis respectifs, hormis que Chloé compte régler cette histoire pour de bon - plane l'épée de Damoclès de la rupture ! -.


Bon. La célèbre musique de la boum résonne, il pleut des slows au ralenti et Hugo débarque, force le D.J d'arrêter cette musique tout en suscitant les hués du public - quand je vous disais que les boîtes et la musique... - de mettre la chanson favorite de Chloé "Fais-moi des sourires" de Marie Anne Batailler dont les paroles font échos au ressenti de Chloé sur sa relation - ce qui est suggéré plusieurs fois pendant le court métrage de manière maladroite -. Scène de réconciliation un peu clichée, le patron est remis à sa place, tout le monde danse dans la joie - sur une musique enfin potable ! - le tout, encore une fois, avec de superbes plans et cadrages.


Vous l'aurez constaté, je dénombre certaines erreurs dans ce court métrage, notamment dans le jeu des acteurs et dans l'écriture des dialogues. Cependant, ce court métrage a de bonnes intentions, notamment en évoquant des sujets de manière subtile comme le slut shaming ou l'univers rude de la boîte. Aussi, Simon Vicente ( directeur de la photographie ) fait un excellent travail.
Je pense que j'ai su apprécié Dans la boîte dans la mesure où, quelque part, j'ai oublié Unknown Movies. Je pense que Victor Bonnefoy voulait réaliser un court métrage sans prétention, pour se faire plaisir à lui. Alors oui, quand on sait à quel point il paraît intransigeant sur la mise en scène, je comprends que certains puissent être tatillons avec lui, tout comme je l'ai été pour Anywhere, néanmoins, si on pense ce court métrage comme une simple histoire d'amour dans une boîte, je pense que le contrat est rempli, bien que j'aurais souhaité plus d'audaces et moins de maladresses.


Si je pouvais retirer une leçon des deux courts métrages de Victor Bonnefoy, ce serait la suivante : l'attente ou encore la connaissance de la personnalité du réalisateur influent beaucoup sur l'expérience filmique. Vraiment. Les Unknown movies n'étaient pas parfaits, loin de là, mais avaient un format assez audacieux et justement, clamaient le retour à un cinéma qui se met en danger. Or, que ce soit avec Anywhere ou Dans la boîte, il n'y avait rien de tout cela. Pourtant, ils ne sont pas mauvais en soi mais on y apprend assez peu. Puis, quand on connait le verbe haut de Inthepanda, cela crée un sacré faussé. Du coup, il est ardu de prendre le court métrage pour ce qu'il est seul, et aussi de connaître les intentions du réalisateur, qui sont ici de s'amuser derrière la caméra sans trop d'ambitions et non de démontrer quelque chose comme dans Unknown Movies.


Ps : Par contre, pourquoi trois assistants réalisateurs ? Cela ne fait pas un peu beaucoup ?

Blackfly
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le 28 janv. 2018

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