Première expérience du cinéaste québécois Daniel Roby dans nos contrées françaises – sans compter les quelques épisodes de la série Versailles qu’il a réalisé – Dans la Brume est ce que l’on peut définir comme un film catastrophe dystopique, au caractère rare en France et qu’il fait bon de cultiver. Mais au-delà de l’objet propre de genre, on peut voir bien au-delà de ça : le film de Roby se révèle comme le parfait exemple d’un vrai cinéma populaire français qui manque cruellement aujourd’hui, cantonné à la comédie de comptoir avec des situations clichées et des vannes lourdes.
Essence spectaculaire efficace, effets spéciaux réussis, une durée courte de quatre-vingt-neuf minutes, un récit démarrant vite et mené tambour battant, rebondissements et économie des dialogues, un casting de belles gueules tels Romain Duris et Olga Kurylenko, des personnages attachants comme par exemple le couple de retraités chez qui les héros se réfugient… C’est du pur cinéma de genre accessible, grand spectacle, qui avec évidence à facilement accès à toute sa dimension populaire. Des films de genre acclamés récemment comme Grave, Laissez Bronzer les Cadavres, Les Garçons Sauvages, Ghostland ou Revenge, sont des exercices sincèrement louables mais pas du tout grand public. Il est finalement désolant de constater que le spectateur français lambda, avec un cinéma de genre plus accessible et distribué comme le film ici, ne se déplace pas non plus en salles pour lui donner une once de succès.
Film d’anticipation resserré, haletant et hôte d’une lueur d’espoir rafraîchissante, Dans la Brume est d’une efficacité redoutable. Il offre pendant une heure et demie un mécanisme de la tension et de l’urgence permanente qui fonctionne plutôt bien, démarrant très vite (la brume apparaît au bout de cinq minutes de métrage), sans sur-exposition du contexte et des personnages. Le moteur du récit est cette brume épaisse et mystérieuse, dont la brutalité spectaculaire enclenche les enjeux de l’histoire et des protagonistes. Mais l’autre crédo de sa nature, qui fonctionne tout autant, c’est toute sa substance mystérieuse : que se passe-t-il ? Quelle est son origine ? Quels sont les risques ? Dans le peu de réponses données, les héros doivent sauver leur fille dans une initiative en apparence impossible, imposant à la narration un contre-la-montre bourré d’adrénaline.
Pour entretenir la tension et le spectacle, le film offre plusieurs scènes fortes alors que le terrain de jeu gagne en superficie. Ce gain et le gestion de l’espace est parfaitement illustré par le grand moment fort du film, course-poursuite en extérieur dans la brume où la caméra glisse et virevolte en plan-séquence dans la texture du brouillard – un moment techniquement très impressionnant. La mise en scène de Roby est d’ailleurs généralement très bonne, soutenu par une direction artistique absolument impeccable, glissant notamment très discrètement ses éléments futuristes tout en rendant épique l’aspect d’un Paris apocalyptique. On n’a pas là un vulgaire téléfilm de la première chaîne, mais bien un morceau de cinéma qui techniquement tient debout. D’autant plus frappant que le film a coûté quasiment deux fois moins cher qu’un Raid Dingue ou un Gaston Lagaffe. Voilà qui est dit.
Le film de Roby est également appréciable dans sa retenue, s’épargnant les bavardages envahissants pour sur-expliquer les choses, d’autant que plusieurs éléments de l’intrigue seront laissés à l’interprétation du spectateur. Ce qui apporte un petit supplément à l’étouffement du contexte et l’urgence qui contamine la relation entre les personnages. Dans la Brume reste loin d’être parfait, assez faible dans les propos que peuvent soulever le genre (la survie humaine, la parentalité), négligé dans la substance des protagonistes, mais le plaisir est incontestable face à un tel objet aux belles ambitions et au vrai désir d’efficacité.
https://obscura89.wordpress.com/2018/07/17/dans-la-brume-daniel-roby-2018/