Norman Jewison est un cinéaste plutôt éclectique de "Rollerball" à "l'affaire Thomas Crown" en passant par "un violon sur le toit" et le film qui nous intéresse ici "Dans la chaleur de la nuit".


Le film se passe dans le sud des Etats-Unis, dans l'Etat du Mississipi où les champs de coton s'étendent à perte de vue et où la ségrégation est encore une réalité dans les années 60.
Un homme élégant, noir, s'apprête à passer la nuit dans la salle d'attente de la gare d'une petite ville, Sparta, pour y attendre sa correspondance. Au même moment, le cadavre d'un notable de la ville est trouvé. Une première recherche par la police locale conduit à emprisonner le voyageur. Le coupable idéal ! En plus, il est en possession de quelques centaines de dollars. Volés, forcément.
Mauvaise pioche : il s'agit d'un officier de police de la ville de Philadelphie de passage complètement fortuit dans la région.
Libéré, sans excuses, il est commis par ses chefs de Philadelphie de participer à l'enquête. S'ensuit un rapport de forces entre la police locale et le policier ainsi qu'une forte suspicion de la population à son égard.
Tous les vieux réflexes racistes, tous les vieux clichés sont là. Jusqu'à ce que la nette supériorité intellectuelle et professionnelle de l'officier de police de Philadelphie finisse par l'emporter, gagnant enfin le respect et une certaine reconnaissance.
Même si le scénario est quand même bâti sur de très grosses ficelles (pour ne pas parler d'invraisemblances), le film a un aspect pédagogique certain dans la mesure où le réalisateur laisse aller chaque scène suffisamment loin pour en souligner l'aspect soit ridicule, soit erroné du comportement des gens de la ville.
Le casting est parfaitement et soigneusement "choisi" :
Le flic de Philadelphie, c'est Sidney Poitier qui est la courtoisie même et qui a l'élégance de ne jamais répondre à la provocation. C'est le grand professionnel qui parvient sans trop de peine à s'imposer face à des gens "primaires"...
Le flic de Sparta c'est Rod Steiger qui campe un flic arrogant qui traine sa bedaine avec peine, mastique en permanence un chewing-gum et rumine ses préjugés racistes qu'il va falloir remettre en cause. Que la vie est dure ! Cependant, petit à petit, un peu de lucidité finit par perfuser dans son cerveau jusqu'à la reconnaissance finale où il porte, carrément, la valise de Sidney Poitier. Que de chemin parcouru !
Les autres gens de Sparta, bourrés de préjugés, s'enflamment d'autant plus facilement qu'ils se regroupent pour régler son sort à Sidney Poitier, l'empêcheur de tourner en rond.


Une scène très forte et significative : Sidney Poitier accompagné de Rod Steiger rend visite au patron, Endicott, des plantations de coton où comme à la "belle époque", ceux qui travaillent dans les champs sont les noirs et où les blancs comptent les balles de coton. Quand le patron finit par comprendre que Sidney Poitier est venu l'interroger (alors qu'il avait fait l'effort du siècle pour rester aimable), il le gifle. Gifle rendue dans l'instant par Sidney Poitier. Avec un Rod Steiger, en train de faire dans son froc (parce qu'à la grande époque, il aurait dû sortir son flingue et abattre le malpoli qui ose porter la main sur un blanc...)


La réalisation du film est parfaite et redoutablement efficace. D'autant que Quincy Jones est à la manœuvre pour appuyer les différentes scènes par une bonne musique R&B. Au générique de début et de fin, Ray Charles nous susurre un très beau blues sur le thème "In the heat of the night".


Mais ce film me rappelle toujours le magnifique blues de Memphis Slim, Down South (ce foutu Sud), où il raconte avec beaucoup de philosophie quelques aventures de sa jeunesse où il avait à louvoyer entre les préjugés des gens.

JeanG55
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le 3 avr. 2021

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JeanG55

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