Dans la cour par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Rien ne va plus pour Antoine. La quarantaine est difficile et pour lui qui est musicien de son état c'est un paradoxe d'attraper un bon coup de blues.
Il décide changer brusquement d'emploi pour se retrouver gardien d'immeuble. Il va alors faire la connaissance de copropriétaires souvent énigmatiques et surtout de Mathilde pour laquelle la retraite a tendance à la faire dériver vers la folie et l'obsession au grand désespoir de son mari. Antoine quant à lui va se mettre à la disposition de tous avec dévouement et générosité. Il va se rapprocher de cette femme qui recherche de l'aide et du soutien afin de calmer son mal être.


Lorsque deux personnes minées par l'angoisse ont le sentiment que l'essence même de la vie leur échappe, le cocktail risque d'être bien morose. Antoine ne dort plus, disjoncte et se retrouve donc à faire le ménage dans un immeuble près du métro "Goncourt". Il tente de survivre dans un petit local situé dans la cour de cet immeuble assez austère. L'homme est timide et ne s'exprime qu'au minimum. Débutant et nouvel arrivant il accepte de se rendre utile pour tout et n'importe quoi car les habitants des lieux sont assez particuliers.
Mathilde préside avec son époux le conseil de copropriété et son hyperactivité déboussole son proche entourage. Son état empire petit à petit jusqu'à sombrer dans la folie. Elle commence à fixer son imagination sur une fissure dans le mur de son appartement allant jusqu'à tomber dans un délire complet. Est-ce peut-être le symbole d'un esprit, d'une vie qui se lézarde.
Toujours est-il qu'elle se penche vers Antoine en s'imaginant que le seul soutien ne pourra venir que d'un être torturé par la vie. Notre pauvre gardien fait ce qu'il peut en tentant de prendre soin de sa voisine. Il doit également se dévouer pour de drôles de personnages peuplant l'immeuble et sniffer en compagnie d'un jeune homme entreposant une quantité inimaginable de vélos dans la cour. Cela l'aide, si l'on peut dire, à supporter pas mal d'épreuves. En attendant l'état de Mathilde se dégrade et a malgré tout Antoine a un remède à lui proposer: sortir et revoir des lieux qui lui rappellent de grands souvenirs. L'électrochoc se produira-t-il des effets et sortiront-ils indemnes de cette existence qui les submerge?


Pierre Salvadori est un cinéaste qui m'avait agréablement surpris avec une comédie: "Hors de prix". Dans ce nouveau film il nous emmène dans un univers plus grave, l'univers des paumés qui a pour cadre une cour, un misérable logis de concierge et un immeuble morne. Les habitants sont tristes et parfois même inquiétants.
Cette œuvre commence sur le ton d'une comédie mais on devine que le personnage d'Antoine évoluant dans ce pauvre monde finira par nous interpeller. Lorsque Mathilde, soulevant l'incompréhension de tous, entre en jeu, on se demande réellement si la fragile passerelle qui unit comme elle peut ces deux êtres en détresse pourra longtemps résister.
On peut également constater que le réalisateur nous montre autour de ce "couple" des gens inquiets, isolés, ratés, bref ils vivent tous une existence bien triste. Certains ne vivent que dans les souvenirs, d'autres en ont bien un peu mais tout le monde s'en fout.
C'est une "chienne de vie" dans cet immeuble. On en sourit parfois, c'est vrai mais on se sent mal à l'aise face à ce quotidien. Afin de donner du relief à ses personnages, Pierre Salvadori a fait appel à des comédiens qui épousent franchement le climat du film.


Catherine Deneuve est absolument formidable dans un rôle assez inhabituel pour elle. Elle développe à travers Mathilde une vive émotion en femme désemparée, au bord de la folie. Gustave Kerven, Antoine, que je découvre au cinéma est émouvant dans son comportement à la limite de la marginalité. Il sait d'avance qu'il n'a plus grand chose à attendre de la vie, il attend qu'elle passe. Dans ce registre il dégage une réelle puissance avec un réel talent.
Parlons également de ce personnage, Stéphane, garçon complètement drogué, déçu lu aussi par la vie, pourtant promis à une grande carrière de footballeur et puis... la vilaine blessure et tout s'écroule. Pio Marmaï nous fait là une très belle démonstration de reclus de la société et puis il y a Serge, le pauvre mari de Mathilde, joué par Feodor Atkine, anéanti en voyant sa femme se dégrader de jour en jour. Il y a dans ces lieux quelques autres personnes aux comportements bizarres, des êtres fragiles, déstabilisés qui sont en fait des compagnons d'infortune.


J'ai donc passé pourtant un excellent moment au milieu de ces personnes désorientées par une putain de vie. J'insiste sur l'originalité de cette œuvre, sur le formidable investissement des interprètes et sur le scénario plein de réalisme concocté par David Léotard et par le réalisateur lui-même qui apportent énormément de poids à cette histoire.


Bande annonce du film :
http://www.youtube.com/watch?v=JP90otjPM-0


Box-office France: 356 293 entrées


Ma note: 8/10

Créée

le 8 juin 2014

Modifiée

le 7 juin 2014

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