Premier film d'Ozon que je vois pour ma part et satisfaite je suis. J'admire beaucoup la façon de jouer de Fabrice Luchini en général, sa manière de parler et la beauté superbe que la vulgarité arbore dans sa bouche. Dans ce film en prof de Français dans un lycée, il est encore plus exquis que dans l'aigri prof de Lettres Modernes de Fac qu'il joue dans Paris de Cédric Klapisch. Aigri, oui, cet adjectif lui colle à la peau et c'est sans doute ce qui lui va le mieux. Dans son rôle, on a plaisir à le voir, l'entendre redonner goût à la littérature, à lui redonner toute sa valeur avec ferveur à travers l'enseignement. Une ferveur, qui est malmenée, manipulée par le talent aussi horrible que captivant de son élève.
Que dire.
Perversion - Manipulation - Manipulation - Perversion.
La perversion est au rendez-vous, de manière si je puis dire, paroxysmique et parfaite. Celle-ci est légèrement tapie dans l'ombre, mais présente, sournoise. Perspicace. Le personnage de Claude est comparable à une bombe à retardement attendant le moment clé, toujours de manière intelligente, quand il ne se laisse pas dominer par ses ardeurs. Sa perversion est indécente, c'est peut-être un peu trop, mais c'est presque parfait, admirable et justement dosé.
Le plus délectable - parce qu'on a un peu l'impression de déguster un bon plat d'une heure quarante - est la manière dont l'élève manipule à la perfection le "Maestro", pour justifier ses fantasmes, son écriture, sa perversion en somme, pour continuer et pousser toujours plus loin dans le vice contrôlé ou presque et réussir à faire croire à Germain que toutes ces initiatives viennent de lui. L'élève dépasse le maître, c'est le moins qu'on puisse dire, et amène celui-ci dans ses propres retranchements pervers.
La performance et la présence de Ernst Umhauer fascinent du début à la fin. Le concept du vice est acquis, et entre en action dans la quête de son besoin quasi obsessionnel pour tenir sa fin, ses propres satisfactions, quitte à en détruire quelques-uns.
Une bombe à retardement je disais : un bon écrivain en devenir, qui sait manier les règles de l'écriture, qui contrôle le lecteur (ou presque), et se passe bien de l'imagination pour se vautrer dans le réel. Une intelligence magnifiquement perverse, encore une fois. Et au diable les conséquences.
Par ailleurs, bonnes répliques, bonnes références culturelles. Une Kristin Scott Thomas un peu chiante, mais une Emmanuelle Seigner on ne peut plus émouvante, plus que tout pour la beauté qu'elle insuffle dans la transparence et la détresse palpable, mais néanmoins sourde, de son personnage.