Dans ses yeux est l’exemple type de la force de SensCritique. Une note moyenne de 7.6, des 8 et 9 à la pelle chez mes éclaireurs, il y avait largement de quoi piquer ma curiosité. Pourtant rien de m’attirait particulièrement de prime abord. Un titre et une affiche présageant une romance kitch cache en réalité un film d’une grande beauté. Fin des années 90, à Buenos Aires, le retraité Benjamín Espósito est hanté par une affaire de viol et de meurtre sur laquelle il enquêtait dans les années 70. Il tente alors d’exorciser ses démons en écrivant un livre sur cette histoire. Il va alors revoir son ancienne supérieure de l’époque, Irene Menéndez Hastings. Ensemble, ils reviennent sur cette affaire qui les a profondément marqué.


Avec une mise en scène particulièrement soignée, preuve en est avec un superbe plan séquence de plusieurs minutes dans un stade de football, le réalisateur argentin Juan José Campanella nous plonge dans un drame très touchant. D’une part celui du jeune mari, éperdument amoureux de sa femme, mais qui va devoir vivre sans elle. Violée et assassinée, le vide qu’elle laissera dans le cœur de cet homme ne pourra jamais être comblé, même par un désir de vengeance tenace et insatiable qui l’encouragera à tout faire pour retrouver l’assassin. L’autre drame est celui vécu par Irene et Benjamin. Tout dans leurs regards, leurs gestes et leurs élans retenus montrent un amour profond comme il en existe peu. Cet amour, qu’ils pensent tous deux impossible, à cause de la différence de statut social ou de l’engagement d’Irene envers un autre, est fort, beau, triste et empreint d’une tendre mélancolie. Une histoire d’amour semblable à celle dont Sofia Coppola avait vainement tentée d’exprimer dans son film Lost in Translation.


Derrière ce drame, Campanella dénonce également les méfaits et les exactions qui eurent lieu en Argentine pendant la dictature militaire des années 70 qui fit des dizaines de milliers de morts et plus d’un million d’exilés. Une page sombre de l’histoire qui marqua profondément le pays et ses habitants. Le réalisateur se sert de cette période pour dénoncer plus généralement la rancœur, l’injustice et le pouvoir abject du fort sur le faible.


Dans ses yeux est une belle histoire, une grande histoire, de celles que l’on ne penserait pas pouvoir retranscrire en deux heures. Campanella l’a fait. Chapeau l’artiste.

Vincent-Ruozzi
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le 25 janv. 2016

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Vincent Ruozzi

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