L’immense actrice Kirin Kiki icône du cinéma japonais, est à voir à partir de ce mercredi 26/08, dans son ultime film, un hymne poétique et d’une profonde sensibilité à la cérémonie du thé. Dans un jardin qu’on dirait éternel, de Tatsushi Ohmori dépeint cette tradition ancestrale comme un refuge pour les femmes, un sanctuaire immaculé de calme et de sérénité.


La cérémonie du thé est l’un des arts traditionnels du raffinement japonais, combinant une série complexe de mouvements et de gestes, avec une compréhension subtile des saisons, du temps, de la poésie et d’autres éléments. Lorsqu’elle est exécutée correctement, la discipline du chado, ou « la voie du thé », est sensé créer un équilibre harmonieux entre l’hôte, l’invité et leur environnement naturel. Pour l’héroïne de Dans un jardin qu’on dirait éternel, adaptation de l’œuvre littéraire La Cérémonie du thé écrit par Noriko Morishita, le fait de pouvoir effectuer une telle cérémonie donne une véritable orientation et un but bien nécessaires à la vie.


Cet enseignement avec Madame Takeda, nous en dit beaucoup des soifs intérieures et de la manière de s’emplir, sans débordements, de cette matière chaude et savoureuse qu’on nomme aussi la vie. Et quel enseignement ! La fluidité et la précision absolue des gestes de cette femme, du pliage d’une simple serviette à la finesse de ses pâtisseries, en passant par les postures gestuelles… n’a, ainsi dire, aucun équivalent. Un film qui peut être vu, bien évidemment alors, comme un récit initiatique de transmission entre générations, mais qui nous apprend en fait aussi à savoir mettre des suppléments d’âme dans chacun de nos actes, et par là-même, nous faire tendre constamment vers un peu plus de liberté, et cela, tout en humilité.


La mise en scène d’Ohmori est capitale dans cette démarche en mintenant notamment un calme permanent, même si son film n’est absolument en aucun cas ennuyeux… bien au contraire ! Sa caméra est enchanteresse accompagnant chaque détail complexe avec une grâce étonnante, et cette manière de faire, cette attention délicate, accrochent le spectateur alors que Madame Takeda montre chaque pas, chaque étape, enseignant sur les plus petites choses, comme par exemple le bruit de l’eau qui coule de la louche à thé. Le tout nous conduisant à simplement nous émerveiller du moment présent.


Dans ce qui sera sa dernière apparition à l’écran avant sa mort à l’âge de 75 ans, la muse aux cheveux d’argent de Hirokazu Kore-eda, Kirin Kiki accomplit une vraie prouesse artistique en livrant une performance naturelle et extrêmement touchante dans ce qui est essentiellement une histoire (très statique) sur les rituels et le passage des saisons. À ses côtés Haru Kuroki est également magnifique. C’est sans doute d’ailleurs l’une des meilleures décisions de Tatsushi Omori de l’avoir choisie pour interpréter la jeune Noriko. Si l’actrice démarre sa jeune carrière dès 21 ans, c’est trois ans plus tard qu’elle acquiert une reconnaissance internationale grâce à son Ours d’argent de la meilleure actrice pour La Maison au toit rouge (2015). Son rôle de jeune fille en quête de sens au sein de Dans un jardin qu’on dirait éternel lui vaut déjà cette fois un immense succès dans son propre pays où le film a réuni plus de 1,3 millions de spectateurs. Attendons de voir maintenant comment le public international l’appréciera.


Un conseil enfin pour aller vivre l’expérience délicieuse de ce long métrage, celui d’accueillir soi-même ceux donnés à Noriko : Ne pense pas, n’analyse pas trop, mais ressent ce qui t’entoure, décide d’absorber plutôt que de chercher à apprendre. Dans un jardin qu’on dirait éternel est à mes yeux le film immanquable de cette dernière semaine aoûtienne (en dehors évidemment du la méga sortie de Tenet), pour aborder sereinement la rentrée et se recentrer sur l’essentiel, si important à retrouver dans la période actuelle que nous vivons.

GadreauJean-Luc
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le 20 sept. 2020

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