Et finalement, le bonheur n’est-ce pas le fait de refaire inlassablement les mêmes choses?

C’est sans doute une séance réservée sans trop me poser de questions : Tiens j’adore le japon et tout ce qui s’y rattache, ça a l’air bien jolie et bon du cinéma plutôt d**’arts et essais au Pathé, pourquoi pas?** J’arrive, salle pleine. Place bonne à me déboiter les cervicales, oh dieu, ça va être confortable.
Les premières scènes commencent : c’est lumineux, c’est jolie mais alors c’est aussi très lent et uniquement focalisée sur le thé, son rituel et sa préparation. Autant dire qu’à ce moment là je me suis demandée dans quoi je m’étais embarquée, convaincue que je ne tiendrai pas à voir 1H30 de documentaire sur l’art du thé.


La patience et la sortie de sa zone de confort paient toujours et même au cinéma! Finalement l’art du thé et les cours du thé ne sont là que pour l’image de la quête de soi, l’image de la vie qui s’écoule et du temps qui infuse. Un décor bien planté qui, malheureusement, pour une métaphore, pour une image, qui prend peut-être trop de place dans l’oeuvre.
Outre mesure il s’agissait d’une démarche louable mais, à mon sens, maladroite puisque l’esthétisme du film, la métaphore du temps qui file au cours des saisons du thé, prend trop d’importance au point d'en alourdir le fond, l’histoire du film donc. Assez marrant puisque le réalisateur fait parler ses personnages sur les perspectives de fonds et de forme.


« Un jardin qu’on dirait éternel » c’est un titre mystérieux bercé par des images de traditions japonaises bien ancrées autour de l’art du thé, mais ça veut dire quoi au juste? Au début c’est un peu nébuleux et il y a ce moment malaisant ou le spectateur ne sait vraiment pas ou tout cela va mener.
Finalement, c’est une histoire qui peut parler à toute personne, car c’est surtout l’histoire de la vie et de sa banalité. Du temps qui s’écoule et s’enferre dans la routine années après années, de l’évolution de jeunes filles à travers les âges ou chaque âge porte ses questionnements .
Tout d’abord des inquiétudes propres au jeunes gens sortis de la fac : Quel métier va t-on faire? Va t-on trouver un boulot? Allons-nous nous marier et fonder une famille? Toutes ces inquiétudes qui parlent beaucoup à cet âge là. Puis la thématique se généralise pour être un questionnement plus large sur le sens de la vie.


Nous suivons donc une jeune fille qui s’inscrit au cours du Thé comme pour se prouver qu’elle peut réussir dans une discipline méticuleuse.
Dès lors avec son amie, deux jeunes filles traversent les âges, toujours fidèle au cours du samedi soir de préparation du thé, et avec eux tous ces questionnements. Le personnage principale semble se chercher beaucoup : Elle fait face à des échecs scolaires/ professionnelle et nourrit toujours la crainte de ne pas réussir, l’angoisse de devoir apprendre de nouveau ou de ne jamais trouver sa voie.
Encore une fois, autant de préoccupations qui peuvent parler à plus d’un spectateur : la quête d’identité et de sens à une période assez charnière de la vie ou l’on sort des études pour tenter de rentrer dans le monde active. Le réalisateur pointe aussi du doigt le chômage post-étude, la dureté de la recherche d’emploi mais encore le fait-il de manière un peu trop superficielle pour mieux se concentrer sur la beauté des paysages, des sons et du répertoire « Be or not to be »
Il y a aussi une mise en lumière de la situation de la femme au japon dans les années 2000 ( me semble t-il l’histoire se passe dans les années 2003) et là encore le réalisateur semble plus insister sur l’esthétisme et la beauté de l’image pour en traiter plutôt implicitement. On le voit donc à travers les tenues très sages, la politesse propre aux femmes japonaises et à l’attachement au foyer et aux valeurs à la fois familiales et ancestrales mais ce sont finalement des jeunes femmes plutôt effacées qui ne se prennent jamais trop à rêver et choisissent souvent en fonction de la société ou de leurs parents.


Le passage de chaque saison rythmée par de belles musiques et le bruit de chaque saison comme une invitation à l’éveil des sens propre justement à la philosophie et à l’art de vivre japonais. Comme dans beaucoup de films d’animations japonais ( Princesse Mononoke; Your name, Les enfants du temps) c’est aussi un appel de la nature, un appel à l’éveil de l’homme sur ce qui l’entoure : nous ne sommes que de passages sur terre mais la nature elle est si ce n’est éternelle bien plus vieille et tend à se répéter quelque soit les évènements qui arrivent à l’homme ( chagrin, rupture, mort) la vie, la nature, suit son cours.
Somme toute c’est un film très beau visuellement qui porte un message fort ; La beauté se situe dans chaque instant quand bien même la vie serait un éternel recommencement, une routine universelle. La beauté, le bonheur réside dans le fait de jouir de chaque chose tant quelles sont encore là : la famille, les amis, les sens dont nous ne sommes pas privés, la santé…; Aussi chaque personne devrait se rappeler que « Chaque jour est bon » car chaque jour est différent, exceptionnel car jamais appelé à se répéter.
C’est donc une belle morale qui nous rappelle que nous ne sommes pas éternels même si le temps qui s’écoule lentement trompé par l’ennuie, la vieillesse, la lassitude de la routine, nous donne cette impression d’éternité alors que le temps nous ai compté. C’est donc une belle quête de sens qui passe aussi par la découverte d’une passion car quoi de mieux qu’une passion pour donner vie à l’homme et le sortir de la monotonie de l’existence?


In fine un beau message, de belles images, des rites ancestraux très bien reproduits à l’écran, toutefois « le trop est l’ennemie du mieux » prend tout son sens ,car il est des fois ou cet esthétisme alourdit le film, le rendant ennuyeux en lui donnant des airs de documentaires, d’exposition même parfois. C’est donc maladroitement que le film a essayé à la fois d’être une oeuvre esthétique et détaillée et un film qui raconte quelque chose. Effectivement ce film avait des choses à raconter mais la construction du récit est noyé par l’effort mis dans la beauté des images en défaveur d’une mise en scène et une construction moins hésitante. Tout ceci aboutit à rendre plutôt mou le film. C’est donc beau mais ça n’accroche pas, le film parait lent et le message et sa profondeur sont tout de suite moins touchants et percutants. Film à voir tout de même et là ou certains verront de l’ennuie d’autres seront certainement happés par la splendeur de l’oeuvre sans trop y voir quelque chose de préjudiciable à l’histoire. Pour moi ce sera un 5,5/10, un film qui a beaucoup de chose à dire sans trop en dire et en restant trop en surface.

Clawdia
5
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le 8 oct. 2020

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Clawdia

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