Danse avec les loups est avant tout l'histoire d'une lutte, un enfantement dans la douleur, car bien avant d'être auréolé de gloire et couvert de louanges et de prix divers, Kevin Costner eu tout le mal du monde à aller au bout de son rêve. Tout comme son héros, incompris par ses pairs, il du miser sa carrière et ses biens propres, pour franchir les frontières des studios.


Adapté d'une nouvelle de Michael Blake parue en 1988, le film retrace l'itinéraire d'un blanc, un officier, désireux de voir l'ouest sauvage, au delà de la frontière du monde civilisé connu. Le sujet était brûlant lors de la préparation du film, en 1988-1989, la lutte des amérindiens pour la reconnaissance des torts causés à leurs cultures, leurs peuples, n'étant alors toujours pas réglée par une administration américaine "légèrement" raciste et convaincue de son bon droit. La loi fédérale ordonnant la restitution des oeuvres culturelles volées aux amérindiens, The Native American Graves Protection and Repatriation Act, ne prit corps qu'en 1990 et fut suivie de trop peu d'effets. Mais Kevin Costner voulait adapter cette nouvelle de l'ami qui lui permit de se révéler au monde du cinéma dans Stacy's Knights (1983), sans doute que ses origines, pour partie Cherokee, l'inclinèrent à porter l'histoire sur grand écran.


Rare étaient les western s'aventurant sur un tel scénario. Le parallèle avec Un homme nommé cheval ( 1970) de Silverstein paru trop évident aux producteurs de l'époque et cela impliquait que l'on parle en langue indienne. Trop périlleux, les américains n'aimant pas traditionnellement lire des sous-titres. Qu'à cela ne tienne, Kevin Costner entendait à ce qu'on parle le Lakota, fidèlement, et voulu des acteurs novices, des indiens. Loin des canons hollywoodiens voulant que dans la troupe des figurants qui, profitant de l'ignorance des équipes de tournage, hurlaient dans les batailles des slogans syndicalistes ou pro-amérindiens, se cachent deux ou trois blancs grimés parlant avec un accent prononcé la langue de l'homme civilisé, le jeune réalisateur se mit à dos de nombreux studios.


Autres causes, mêmes conséquences, Costner, voulant un tournage dans de grands espaces, avec de vrais loups et de vrais bisons, et des enfants de surcroît, pulvérisa le budget initial à force de retards, contretemps et difficultés sur le terrain. Lâchés par les studios américains, il du se tourner vers des fonds européens et puis finit par mettre trois millions de dollars de sa propre poche. Il l'avoua par la suite, il avait tout hypothéqué, jusqu'à sa maison, et jouait sa crédibilité dans le milieu, comme sa fortune personnelle.


Que peut on retenir en étant concis de ce chef d'œuvre évitant les faiblesses des fresques télévisées comme Nord et Sud (1988-1994), populaire alors, et épargnant aux spectateurs une rude leçon d'histoire avec force pastiches comme Gettysburg (1994), excellent au demeurant mais par moment lénifiant.


Le film est épaulé par les compositions puissantes des orchestres de cuivre de John Barry, qui bien que reprenant des thèmes utilisés sur des métrages antérieurs - il suffit de comparer le thème principal d'Out of Africa (1985) avec Mooraker (1979) - le titre Flight into space - précédant Danse avec les loups puis d'écouter The specialist (1995) pour voir la continuité évidente de l'œuvre de John Barry- , parvient à toucher juste et sobrement.


La photo est sublime et la reconstitution des plus minutieuses, du moins dans ce qu'il était acceptable de faire à cette époque. Le film n'est pas exempt de quelques erreurs (notamment dans la façon dont les indiens concevaient le sexe entre eux, pour le comprendre il faut lire One Thousand White Women: The Journals of May Dodd de Jim Fergus paru en 2000) pardonnables et on n'en voudra pas à Kevin Costner de s'être rasé au milieu du film, rendant son personnage finalement moins écorché que dans la peau de l'officier, l'affadissant un peu.


Il faut rendre hommage à ce film quasi-documentaire et tenter de voir sa version la plus longue éditée à ce jour, faisant 04h15. Un chapitre complet manque aux versions longues européennes classiques des éditions dites "collector". Un chapitre abordant le massacre d'une réserve naturelle par des trappeurs blancs, faisant définitivement basculer le héros dans une sorte de haine contre sa propre civilisation, quelques références au chamanisme et des minutes précieuses sur la préparation du camp sioux à la chasse aux bisons, montrant surtout la conscience qu'avaient ces hommes de pouvoir ne jamais en revenir.


Le film d'une vie, d'une carrière, même si avec Open range (2003) Costner a su renouer avec le western, le vrai, humain, il n'a jamais pu retrouver l'harmonie de ce film trustant depuis 25 ans le haut du panier dans bien des cœurs. Ode à la vie, à la liberté, à la tolérance et au respect de l'autre, Hollywood serait bien inspiré de trouver son nouveau John J. Dunbar, sans se fourvoyer dans la facilité du tout numérique (Avatar...), tant ce message a besoin d'être sans cesse répété...


Anpetu waste !


9/10

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le 7 oct. 2015

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