Sorti directement de l'univers poétique, fantaisiste et fantasmagorique du plus grand génie artisan du XXéme siécle, "Dark Shadows" ajoute une pierre angulaire à la filmographie de l'un des cinéastes les plus attendus et respectés.



Librement inspiré d'une série des années 90, Burton ajoute sa pointe de modernisme et d'illusionisme pour faire, de cette succession d'épisodes à la crédibilité contestée, une adaptation royale et enthousiasmante.



L'ambiance est souveraine, palpable, jamais trop sombre, jamais trop joviale, juste ce qu'il faut pour intégrer le mystère dépeint par le réalisateur. La mise en scéne n'a rarement été aussi stylisée. Certaines séquences, notamment dés le début du film, frisent la beauté parfaite, l'alchimie inébranlable.



Tim Burton tient sa caméra de façon à nous envouter litteralement, nous imposer sa vision vampirique et de nous contraindre à l'adopter. Et cela marche.



Côté casting, comment ne pas s'entourer des meilleurs pour faire l'un de ses films les meilleurs ? Michelle Pfeiffer, qui se fait rare sur grand écran, montre avec élégance que sa présence n'est pas le fruit du hasard et livre une prestation plus qu'honorable. Jackie Earle Haley et Helena Bonham Carter jouent des rôles délicieux, d'où la folie de Burton explose au grand jour.



Puis viennent les trois stars de cette oeuvre jubilatoire. Les trois immanquables. Eva Green, que l'on pensait cantonnée aux sourires figés, tire son épingle du jeu aux dépens des autres comédiens. Magnifique, electrisante, machiavelique, méprisable, on arrive à la prendre en compassion et l'on savoure la totalité de ses apparitions. Johnny Depp, qui aprés huit collaborations, n'a plus à prouver sa crédibilité dans le monde Burtonien. Grandiose, épatant, il interprete un Barnabas Collins inquiet et meurtri, découvrant un monde qui l'ignore peuple de personnes qui avaient fait son malheur deux cent ans en arriére. Il ne fait pas dans la surenchére et demeurre une nouvelle fois parfait, imposant et énigmatique.




Puis Chloe Grace Moretz, qui fait monter sa carrière en crescendo après avoir cotoyer des grands noms comme Scorsese, et maintenant Burton, crève littéralement l'écran dés son arrivée. Burton la met en lumière de la plus belle des maniéres, lui conférant un rôle pas forcément simple, et la laissant ennivrer le spectateur par son regard hypnotiseur.



Une perle d'une quinzaine d'années, qui ne cesse de surprendre et prouver au grand public qu'elle peut camper une adolescente têtue, sarcastique, solitaire, tout en étant profondément triste de par sa solitude, cherchant une personne qui la comprendrait, ou lui donnerait de l'interêt. Par ailleurs, les séquences entre Depp et Moretz sont jubilatoires.



Scénaristiquement, le film fait voyager. Non pas dans plusieurs contrées lointaines, mais à Collinswood, où le temps semble figé et l'industrie difficile à mettre en place. C'est dans ce contexte maritime que tous nos personnages évoluent. Chaque ligne du script accorde une place prépondérante pour nos protagonistes. Personne n'est oublié. Le final est ébouriffant, palpitant et répéte en leitmotiv les ambitions du cinéaste qui revient en trombes.



Humour noir, comédie, émotion, fantastique, on passe par tous les genres avant de s'avouer incapables de dire lequel l'on préfère tant la symbiose stupéfait. Et puis, il y a cette touche Burtonienne non pas anecdotique, mais indispensable : la composition de Danny Elfman. A bien des egars, cette bande originale restera comme l'une des plus réussies de ce musicien.



Mêlant la loufoquerie à la sensibilité, l'immense Elfman s'inspire d'experiences passées pour mettre en musique les esperances de son ami Burton. La musique parle, les images traduisent. La virtuosité de ce duo inévitable du septième art fait de nouveau des ravages. Teintée de mystère, la musique rappelle avec force la mélancolie qui submerge notre héros, alors que celui-ci est confronté aux affres de la modernité.



Finalement, tandis que la mise en scène géniale, l'interpretation générale magistrale, les décors délicieux, la photographie imperfectible, le message foudroyant, la musique diaboliquement frissonnante, s'associent et s'harmonisent dans un seul et même film pour faire vibrer le spectateur . Un édifice incontournable dans la longue liste de Burton. Un "Dark Shadows" qui, à mon sens, mélange Edward aux mains d'argents , Sleepy Hollow et Beetlejuice .
Charlotte-Bad
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le 24 mai 2012

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Charlotte-Bad

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