Contrairement à beaucoup, notamment à des fans de l'univers de Burton, je n'ai pas trouvé ce dernier Burton si désagréable que ça. Certes ce n'est pas ce film qui marquera sa carrière car on est quand même en dessous des films mythiques réalisés par ce génie. Mais tout de même, l'univers barré et coloré de Burton est omniprésent et ses personnages sont à la fois complexes et attachants.

Ce scénario adapté d'une série télévisée kitsch des années 60 est intéressant et souvent fun même s'il est très vite limité. En effet le personnage principal Barnabas Collins est un personnage haut en couleur même si ses vêtements nous disent plutôt le contraire. C'est un personnage cinglé, en totale inadéquation avec son temps, et qui plus est contradictoire. En effet son histoire d'amour-haine avec la maléfique sensuelle sorcière Angélique est contradictoire de but en blanc. C'est le principe d'une histoire amour-haine me direz vous... Mais quoiqu'il en soit j'ai trouvé ce personnage principal attachant, drôle et sombre. Quant à son coté charismatique je l'ai un peu moins vu que certains spectateurs mais c'est vrai qu'il a un coté dragueur invétéré qui donne lieu à des scènes plutôt cocasses. Enfin quand même heureusement qu'il y a ce personnage Barnabas car sans ce vampire un peu surréaliste le scénario perdrait en consistance. Car soyons francs, si le scénario est bourré de références hippies, d'opinions bien tranchées sur la société de consommation (notamment par le sigle international du M jaune) et de blagues truculentes l'écriture des personnages est un peu trop légère...

Je ne sais pas si c'est dû au fait que Burton était en train de réaliser deux films au même moment -celui-ci et Frankenweenie un film d'animation Disney- mais dans l'écriture de ses personnages il aurait pu aller plus loin. Effectivement plusieurs personnages sont quasi inexistants, transparents. Ils seraient pas dans le film que ça serait pareil. Les jeunes Carolyn et David ont des rôles très limités. Là où on aurait pu aller plus loin dans la storyline de David qui parle à des personnes imaginaires, Burton coupe très vite l'herbe sous nos pieds. Pareil pour Carolyn qui aurait pu être un personnage fascinant si elle était un peu moins nonchalante. Elle sert à rien, affalée sur le sofa on a du mal à croire sincèrement à son côté lolita rock'n'roll désabusée qui sonne archi-faux... D'ailleurs la fin de ce personnage est assez ridicule, comme si Burton avait voulu lui ajouter un peu de substance -en vain hélas- il la transforme tout d'un coup en loup-garou. Ça sort de nulle part comme ça et c'est plus ridicule qu'autre chose, on sent bien que Burton s'est égaré... Le personnage de la mère Collins est lui aussi un peu vide.

Heureusement donc que le "couple" d'affiche de Barnabas et Angelique est présent car à eux deux ils amènent tout le sel et toute la fantaisie qui donne un vrai souffle au film. J'ai adoré la méchanceté, la pugnacité et en même temps ce besoin d'être aimé de la maléfique Angélique. C'est un personnage vraiment fascinant. Il est porté brillamment et avec glamour par une Eva Green tout en sensualité. J'ai adoré ce personnage, et je trouve son omniprésence totalement justifié. Son esprit manipulateur, tordu, et le fait qu'elle soit prête à tout pour nuire à Barnabas qui refuse de l'aimer amène une noirceur juste jubilatoire.

Dans le reste du scénario, on savourera les quelques bribes de la personnalité de Tim Burton, notamment sa diabolisation des géants commerciaux comme McDonalds. On retrouvera aussi certaines de ses ficelles récurrentes comme son humour noir, son auto-dérision, ainsi que son son stylisme kitsch et fantaisiste. On regrette peut-être un peu le manque de poésie, qui était largement présent des ses Edward au mains d'argent ou encore Sleepy Hollow. Mais malgrè quelques petites déceptions au niveau du scénario, j'ai dans l'ensemble plutôt apprécié l'approche de Burton dans la thématique vampirique. Il aurait pu faire dans la dentelle en restant gentil et classique, mais il oscille avec talent entre parodie et hommage au genre. Il ne tombe jamais dans la caricature, et quand il est à deux doigts de le faire il nous livre un contre-pied formidable.

En somme, malgré quelques faiblesses et un brin de fainéantise de la part du génie Burton on retrouve la patte de ce génie pour notre plus grand plaisir. Les décors kistch et la bande-son rock et rétro sont assurément les atouts de poids de ce dernier Burton. On retiendra aussi la prestation monstrueuse de Johnny Depp qui par des jeux de regard nous amènera à rire régulièrement. Avec sa carrure, ses costumes sombre et chic, et ses longs ongles il est encore une fois étonnant dans ce rôle de vampire-freak boulet. Johnny Depp est elle aussi convaincante même si elle n'a pas un grand rôle. Son rôle de psy de comptoir avide de jeunesse éternelle aurait pu être mieux exploité encore une fois, mais son interprétation est délicate et barré. On savourera aussi la prestation de la géniale Michelle Pfeiffer qui campe magistralement ce personnage de la matriarche sophistiquée. En somme le casting vaut de l'or! Même la petite frenchie Eva Green fait des étincelles à l'image de sa scène d'amour explosive avec Johnny. Elle signe ici un de ses plus beaux rôles au cinéma ici. Burton lui aura offert un rôle captivant et mythique. Et l'inconnue du film Bella Heathcote est elle aussi remarquable, elle signe une interprétation douce et sucrée. Totalement l'archétype de la femme burtonienne avec ses allures de vierge mystérieuse et rêveuse.

Avec un casting de premier choix, une réalisation à la fois rétro et sombre, Burton nous offre ici un bon film de divertissement qui hélas ne sera que cela. Il manque ce je ne sais quoi qui nous aurait fait décoller de notre siège, qui nous auraient emmener dans son monde bien à lui. Il est ici resté un peu en retenu et c'est dommage car là où il laisse très vite tomber certains aspects de ses personnages il aurait pu faire des étincelles, et nous offrir un portrait de famille glauque et déjanté. Petite déception donc pour ce dernier Burton, même si je ne serais pas comme la plupart des autres cinéphiles que j'ai lu jusqu'à maintenant, déçue à 100%. Il y a quand même des aspects plaisant entre la bande-originale signé Elfman, des scènes surréalistes comme celle de Alice Cooper, des répliques décalés et des jeux d'acteurs recherchés. Je garde donc espoir qu'après celui-ci et Alice au pays des merveilles, Burton revienne à ses premières amours avec ce qu'il faut d'excentricité et poésie!
Cinem0ti0n
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le 29 mai 2012

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