Il faut bien admettre qu’il y a chez Marina de Van une forme d’obstination adolescente qui la rend assez sympathique : dans n'importe quel autre film français, le sujet de "Dark Touch" aurait été traité à travers une esthétique de téléfilm, avec des acteurs de téléfilm (Isabelle Carré et Jérémie Elkaïm par exemple) et une résolution digne d'un téléfilm (le dépassement du trauma, la réconciliation). L'horreur est donc une proposition esthétique forte, qui trouve un terme extrême dans la dernière séquence du film, où des adultes doivent se soumettre aux fantasmes sadiques de trois enfants qui les ont littéralement transformés en poupées. Ce finale outrancier ne peut évidemment être pris tout à fait au sérieux, il est trop grand-guignolesque pour faire peur, mais il cristallise aussi toute l'énergie adolescente qui anime le film: énergie destructrice qui ne s'emploie pas seulement à détruire la famille (comme dans "Jeune et jolie" par exemple), mais à faire exploser aussi toute forme de réalisme social par le vieux procédé de l'inversion des rôles.

Il est regrettable que cette énergie destructrice n'ait pas davantage porté "Dark Touch" : si le film ne se tient jamais à la hauteur de "Carrie", c'est parce que de Van se montre encore très « française » dans l’écriture. Le personnage de l’assistance sociale bienveillante, par exemple, est un personnage de mauvais téléfilm qui n’a rien à faire dans le film : il établit avec la fillette un contact physique assez fort, dont Marina de Van ne sait que faire. La deuxième limite du film vient de son trop grand respect pour les modèles qui l'inspirent, si bien que "Dark Touch" ressemble parfois, comme "Carrie la vengeance", à une pâle copie : la séquence de l’appel des enfants vers l’école, qui se réveillent et marchent en pleine nuit sous le contrôle de la fillette, rappelle vaguement "Le Village des damnés", mais elle ne suscite aucun effroi, parce que le film succombe trop vite à son désir de tout détruire: l'école s'effondre comme la maison Usher, emportant dans sa chute tous les enfants des gens normaux.

C’est la raison pour laquelle la dernière séquence me semble être la plus réussie: habillés comme des poupées, les adultes sont comme des avatars grotesques des parents de Marina Vacth dans "Jeune et jolie". Dix-sept ans après "Regarde la mer", Ozon et de Van sont restés des adolescents : la fillette de "Dark Touch" est la petite sœur dépressive de Marina Vacth. Ayant trouvé, chacun de leur côté, des moyens différents pour exister à l'intérieur du cinéma français (l'esthétique du téléfilm pour Ozon, le film de genre pour de Van), il serait temps qu'il refassent un nouveau film ensemble.
chester_d
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le 31 mars 2014

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