Période de vaches maigres s’il en est, les années 90 n’auront guère réussi à Sylvester Stallone : désireux de s’éloigner de ses plus emblématiques rôles (R&R), l’Étalon italien enchaîna les échecs et autres demi-succès, parmi lesquels un certain Daylight. Mis en scène par Rob Cohen, réalisateur capable mais mineur, celui-ci ne saurait se réduire à sa seule étiquette de « film catastrophe dans lequel Stallone sauve tout le monde », n’en déplaise aux critiques majoritairement frileuses à son sujet.


Au terme d’un visionnage matérialisant de vagues souvenirs, Daylight s’avère en effet suffisamment solide pour convaincre : son pitch a beau tenir sur un timbre poste, ses atours et interprètes, sous l’égide de cette patte si spécifique au cinéma américain d’alors, en font un divertissement à même de résister au passage du temps… et de se faire une place honorable au sein d’une carrière pléthorique.


Bien entendu, si nous pouvons lui concéder un statut de film culte dans son genre, les prétentions de Daylight ne dépasseront jamais le cadre du divertissement à sensation : les effets visuels ont globalement bien vieilli, telle que cette impressionnante explosion au souffle infernale (bon, les mannequins automobilistes font un peu tâche, mais gageons que cela faisait partie du package), tandis que le théâtre oppressif du Holland Tunnel est réaliste comme immersif.


De même, l’intrigue n’est guère originale en ce qui concerne sa galerie de personnages, ceux-ci incarnant un panel représentatif d’une population new-yorkaise diverse… mais unie dans les divisions d’usage. Occasion toute indiquée de casser les barrières sociales, le présent survival jouera avec suffisamment d’habileté pour en redorer le blason, mais sans pour autant se départager des tensions attendues dans pareille situation exceptionnelle… elle qui conduira à l’union d’un tout un chacun.


Pas toujours subtil au global, à l’image de ce chien traîné d’un bout à l’autre du tunnel en tant que boulet dramatique, Daylight est néanmoins surprenant sur deux points : primo, l’issue incertaine quant au sort de ses infortunés, le récit multipliant les coups du sort et petites victoires avec un doigté crédible ; secundo, Kit Latura a tôt fait d’abandonner son costume de « super-héros » (notamment avant son entrée dans le tunnel) pour faire montre d’une volonté vacillante, son background et autres failles attenantes soulignant une écriture plus fine qu’escompté.


L’effet est d’autant plus prononcé que le contexte qu’invoque Sylvester Stallone entre en compte : carrière en perte de vitesse, supposé dernier rôle dans un film d’action, opportunité de combattre sa claustrophobie… Daylight est bien moins anodin qu’il n’y paraissait. Mais surtout, c’est bien son jeu qui retient ici l’attention : car le bougre a beau avoir été nommé aux Razzie Awards (une belle ineptie à mon sens), il est proprement parfait dans la peau de Kit, lui qui fait montre d’un contraste saisissant.


Entre stature charismatique et échecs « humanisant », à l’aune d’une volonté de rédemption jusqu’au-boutiste, l’alchimie est palpable : ses quelques regards hagards font mouche, son dévouement se veut touchant comme cohérent… et dire que le scénario prévoyait originellement de le faire mourir ! Le choix final du studio constitue donc un semblant d’erreur, Daylight ayant manqué le coche de se départager de l’usuel happy-end tout en formulant une réflexion intéressante sur l’abnégation : dommage.


Même s’il n’est pas toujours des plus raffinés dans son déroulé (la politique - ? - qui veut tout faire sauter pour des raisons d’argent force par exemple le trait), le long-métrage de Rob Cohen, sur un scénario de Leslie Bohem, est une belle surprise : empreint d’un petit « plus » salvateur, convenons donc qu’il ne mérite pas sa réputation de nanar, ou pire encore, tant celui-ci est efficace à son échelle.

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le 17 oct. 2020

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