Bergman nous livre ici la quintessence de son art : vie de couple, névrose, onirisme et introspections psychologiques. Si la métaphysique est cependant absente, il y a toujours cet aspect énigmatique servi par une mise en scène chirurgicale et froide. Chirurgical également dans le choix de la narration.
En effet le récit complètement désarticulé car il enchaine entre analepses et prolepses, entre avant et après le meurtre. Nous sommes livrés face aux pièces de puzzle afin de reconstituer ce qui a pu mener aux meurtres. Ces pièces sont entrecoupées par des cartons avec une police froide sur fond de musique sinistre. Et malgré toutes les clefs qui nous sont livrées dans le désordre, si nous pouvons dire le comment, nous ne pouvons pas affirmer avec certitude le pourquoi. Pourquoi fallait-il laisser éclater la névrose ? Cet acte reste autant invraisemblable que profondément sublime, au sens artistique comme au sens psychanalytique.
Peter et Katerina vivent la vie de couple parfaite : bonne situation économique, relation saine. Tout cela est peut être trop parfait, trop restreignant pour Peter qui a manifestement des pulsions meurtrières dont son médecin et ami est conscient. Ce dernier voulant d'ailleurs entretenir une affaire avec Katerina. Enfin celait ne reste que dans le domaine de la supposition et dans le domaine sexuelle. Le couple a en effet des moeurs libérales et distinguent les relations sexuelles de la fidélité sentimentale. Car Katerina fait parti de Peter et Peter de Katerina, tout cela est dépassionné alors même que Peter en était tombé follement amoureux selon les mots de sa mère. Sa mère ayant surement trop de poids sur la conscience de son fils.
Tout le film porte justement sur le contrôle et son éclatement final de jouissance symbolisé par le passage en couleur (l'épilogue et le prologue étant les seuls passages en couleur). La marionnette, jouet fétiche de Peter enfant, est contrôle et mise en scène. Mise en scène de soi par rapport aux autres car tout est une affaire d'apparence. Il faut être le bon fils petit bourgeois, le bon époux petit bourgeois. Trop c'est trop. C'est l'ami homosexuel du couple, un peu excentrique, qui sert de pont pour assouvir les instincts meurtriers de Peter. Instincts qui sont donc sublimés par un déplacement de l'objet du désir. En tuant la prostituée, il évite de tuer sa femme.
Bref je vous encourage à voir ce téléfilm allemand manifestement très sous-estimé dans la carrière de Bergman. C'est pourtant un de ses préférés et un des miens du même coup !