La puissance du cinéma d'Audiard tient principalement dans sa gestion des émotions et l'humanité qu'il accorde à ses personnages. Le talent du réalisateur, s'il en était encore besoin, se confirme avec De Rouille et d'Os où une éleveuse d'Orque et un ancien boxeur se croisent, puis s'entre-aide avant que l'amour ne vienne les frapper, que la vie les rattrapes avec ses épreuves, puis les réunit à nouveau. Comme bien souvent chez Audiard, il est question ici de rédemption, et contrairement à ce qu'on pourrait penser, le film s'axe bien plus sur l'histoire de Bouli Lanners — qui opère ici une prestation aussi bonne que Marion Cotillard mais d'autant plus surprenante que c'est une figure d'inconnu — que sur celui de Marion Cotillard, contrairement à ce que nous laissait penser la bande d'annonce. Il choisit de suivre ces deux personnages parallèlement au début, s'attardant sur les galères d'Ali, puis sur le drame frappant Stefanie, son non combat pour s'en sortir, et l'arrivée d'Ali dans sa vie qui la pousse à lutter, puis lui donne véritablement le goût de la vie qu'elle avait perdu. Mais alors que leur relation s'installe progressivement, et là encore on ne peut que saluer la mise en scène qui choisit de ne pas escamoter la relation amoureuse en faisant du classique : rencontre, annonce des sentiments et envolée lyrique/romantico-musicale, il préfère s'attarder sur les détails, dévoiler les moments où ils se rapprochent. La scène dans la chambre où elle fait pour la première fois l'amour depuis son accident est magistrale à bien des points de vues. L'attention qu'il porte à la sensualité de la scène, les cadres choisis, fermés porté sur la chair avec le seul bruit de la respiration, du frottement de la chair contre la chair, et des plans sur le regard de Marion, tantôt inquiète, tantôt transfigurée. Là où le film s'inverse et nous dévoile le véritable héros du film, c'est lorsque Ali qui s'était lié d'amitié à un gars faisant des trucs illégaux, se retrouvant mouillé jusqu'au cou, décide de s'en aller. Et Audiard en revient à ses amours. C'est à dire l'homme viril, violent de nature, bestial parce que humain avant tout, prolétaire et pauvre, qui, face aux épreuves de la vie, est en quête de rédemption, mais à travers sa quête va surtout apprendre à vivre autrement, mûrir, grandir, accepter les responsabilités, mais accepter aussi de se pardonner à lui-même. L'intelligence du script, est de choisir de provoquer ces changements et cette évolution par une série d'accident plus ou moins grave que rencontre le héros, et dont indubitablement, Stéphanie fait parti.

L'esthétisme du film est pareil à la mise en scène d'Audiard, la plupart du temps très réaliste, servant avant tout à dessiner les personnages et leur émotions, mais aussi à les placer dans une certaine réalité. Et cependant il y a toujours une certaine beauté dans cette quête de réalisme. S'opposant presque, on a ces moments, ces plans virtuoses, d'une poésie folle, où l'on quitte la réalité pour gagner une autre sphère, comme le plan où Stéphanie goûte au soleil. Les flares viennent ici renforcer la sensualité de la scène, et coupe totalement durant un instant l'histoire et la réalité mise en suspend pour un moment d'onirisme, à la limite de l'hypnotique, et c'est par ces rares moments que le film gagne ses gallons et s'élève. Enfin, car cela ne va pas sans un certain esthétisme et une beauté gagnée, on a la BO faite par Alexandre Desplat qui s'accorde à merveille au film.
Sophia
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le 21 mai 2012

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