Le tueur, la prostituée et le produit vaisselle

Mercredi 10 février, Deadpool sort enfin en salles pour mon plus grand bonheur. D'une part c'est le premier long-métrage super-héroïque de cette année 2016 qui s'annonce sans précédent mais ce film représente surtout le renouveau de la franchise x-men suite à Days of futur past qui rebootait en douceur la saga il y a maintenant deux ans.


À mes yeux, un film x-men n'est jamais anodin. J'ai grandi avec cette saga, bercé par ses personnages, rêvant de pouvoirs et d'aventures à leur côté. Bien sur, il y en a eu des bons (la palme du meilleur revenant au second) et des moins bons, mais j'ai toujours pris plaisir à les regarder au cinéma. Et celui-ci n'a pas fait exception...


Tout d'abord, je signalerai que je connais peu le mercenaire Marvel. J'avais quelques comics sur lui mais principalement à l'intérieur d'autres titres mutants comme la célèbre x-force. Pour autant, sa réputation m'était parvenu, m'apprenant ses principaux signes distinctifs (schizophrénie, quatrième mur, sang, amoralité de ses actions, fort attrait au sexe...) et m'inquiétant par la même. Deadpool serait-il un véritable film avec un début, un milieu et une fin ? Voilà la question qui me hantait avant la séance, craignant d'assister à un délire lourd et grossier réservé aux seuls fans aussi dérangés que leu idole.
Heureusement, dès le générique d'ouverture je me suis surpris à sourire. Ce Deadpool/Reynolds seconde version a tenu toutes ses promesses, après l'échec du personnage dans « wolwerine : origins ».



Un film complet répondant à mes attentes



Deadpool avait peu de moyens en comparaison des monstres qui le talonnent dans le calendrier (civil war côté MCU notamment), pour autant Tim Miller nous sort d'honorables scènes d'actions. Dynamiques et agréables, dans des registres variés, elles jouent à merveille leur double rôle de défouloir (car après tout c'est aussi ce qu'on attend d'un film super-héroïque) et de toile de fond à l'humour déjanté de Wade Wilson.


Car Deadpool, c'est aussi un film d'humour, une comédie d'action jonglant entre références, situations atypiques et blagues allant des plus connes à des plus poussées. De la première image à la dernière de la scène post-générique, l'objectif affiché demeure de susciter le rire. Le couple acteur/personnage incarné par la symbiose de Reynolds avec Pool joue un rôle majeur dans le dispositif humoristique. La folie du héros est omniprésente, sous le costume comme dans les flash-back où il ne l'endosse pas. Il s'adresse au spectateur lui racontant à la fois l'histoire et ce qui lui passe par la tête : la musique, le scénario, l'ordre des scènes, les effets de lumière, tout répond au doigt et à l’œil aux exigences du mercenaire provocateur, tandis que l'acteur principal prend vraiment son pied. Mais au-delà des balles numérotées, des réflexions sur Taken et du nom de produit vaisselle du méchant, Deadpool parvient à répondre à un troisième genre de film → « this is a love story »


La promo l'avait mis en avant et ce n'était qu'à moitié faux, Deadpool a un côté romantique. Il a trouvé l'âme sœur en la personne de Morena Baccarin, à savoir une prostituée aussi folle et lubrique que lui qu'il ira jusqu'à demander en mariage. C'est beau, c'est émouvant et leur romance devient même triste et sérieuse quand le cancer s'y mêle. Étonnant mais vrai, on assiste durant deux trois scènes à des réactions de couple crédibles face à la fatalité de la vie. Quand je vous dis que ce long-métrage est vraiment capable de tout.
Et cette origin story ne devient pas tant celle d'un unique héros mais bien d'un couple qui subit la transformation en mutant d'une de leur moitié. En effet, contrairement aux règles établis dans le genre super-héroïque, Deadpool renaît en tant que surhomme pour l'amour de sa vie (que ce soit dans spider-man, captain america ou Wolwerine, les super-héros entretenaient une relation avec une femme après l'acquisition de leur pouvoir) et sa quête n'est pas une banale vengeance, mais bien une volonté de retrouver sa relation conjugale.
Quand les motivations d'un protagoniste sont claires, crédibles et cohérentes du début à la fin, je suis vraiment satisfait. Avec notre cher Deadpool, j'ai été comblé d'autant que de très bonnes surprises se sont rajoutés aux principales qualités déjà citées.



Des atouts inattendus



Abordons maintenant la question des personnages secondaires. Bien évidemment, ceux qui marquent le plus sont les deux x-men qui complètent le trio des « gentils ». Nous avons ici deux cas de figure extrêmement différent : - Colossus, personnage célèbre des comics qui fait tout de même sa quatrième apparition, avec cependant un changement d'acteur ;
- Negasonic teenage warhead, à l'histoire éditoriale quasi-vierge.
J'aimais beaucoup l'ancienne version de Peter Rasputin, plutôt taciturne, assez en retrait mais vraiment solidaire avec l'équipe. Force est de constater qu'ils ont véritablement repensé le personnage, physiquement où il est davantage imposant, au niveau de ses pouvoirs gardant en permanence sa forme métallique (y compris pour manger), et surtout pour sa psychologie. Désormais c'est un mentor parmi les x-men et un orateur hors pair, conservant tout de même son statut de bon et fidèle soldat. Il contrebalance véritablement le fiévreux Deadpool par son sérieux et apporte par ailleurs un style de combat davantage brute.
Quant à Negasonic, elle n'a malheureusement qu'un rôle mineur. Elle représente avant tout une adolescente classique qui juge avec distance Deadpool. Mais en tant que véritable x-woman elle pourrait impressionner, notamment grâce à son pouvoir visuellement abouti et qui explique son caractère tout en retenu. J'attends de la retrouver dans une équipe x-force ou new mutants pour me prononcer définitivement sur elle, n'empêche qu'elle a du style que ce soit avec sa cape ou en costume.


Si on poursuit sur les mutants du film, il reste les deux méchants. Sans surprise, ils manquent de profondeur et servent avant tout d'opposants. Il n'empêche que leur côté sadique à l'extrême était convainquant et qu'ils caricaturaient bien les vilains classiques (le coup de mettre Morena Baccarin dans le machine m'a fait sourire). Pour Angel j'ai vraiment cru qu'elle allait tuer Colossus, heureusement sa jeune protégée veillait. C'est le seul moment où Negasonic se lâche et on comprend qu'elle est terriblement dangereuse.


À noter également les personnages soutenant le héros dans sa quête, tous agréables à découvrir et retrouver au fil des scènes. Je pense au bar déjanté très sympathique, à l'aveugle cocaïnomanie et au charmant chauffeur de taxi qui doit avoir bien des problèmes suite à son accident.


Mais plus que cette foule de personnages sympathiques, ce qui m'a le plus surpris demeure le rythme du film. La plupart des origin stories sont construites en trois parties : genèse du héros avec acquisition du pouvoir et/ou entraînement, mise en action (souvent la partie moyenne) et confrontation finale. En générale, je prends surtout du plaisir dans la première et suis déçu du film par la suite. Mais Tim Miller a totalement cassé cette construction, commençant par présenter Deadpool avant Wade Wilson et alternant flash-back et retour à l'intrigue. D'une part, on passe sans cesse de Reynolds à Deadpool ce qui lie véritablement les deux facettes du personnage, d'autre part on découvre progressivement les intrigues qui apparaissent davantage réfléchies (j'ai bien dit qu'elles semblaient, pas quelles l'étaient). Enfin, le réalisateur allonge artificiellement l'une des rares scènes d'action via ce subterfuge, donnant du dynamisme tout au long du film. Évidemment, cette construction ne fut permise que par le ton léger qui domine et grâce à l'extraordinaire faculté de Deadpool à s'adresser directement au spectateur, l'obligeant à se sentir concerné par son histoire, une histoire malgré elle super-héroïque.



Deadpool, super-héros à l'insu de son plein gré



Wade Wilson dit de lui qu'il n'est pas un héros, simplement un salaud qui s'en prend à des pires que lui.
Et pourtant, ce film reste un long-métrage du genre. En premier lieu, je tiens à souligner la mesure du film. Certes il est classé R, certes il va plus loin que nul autre dans le sexe et les sous-entendus (pour la violence je l'ai trouvé moins dur qu'un Watchmen), mais le personnage de Colossus sert véritablement de caution morale. Il va même jusqu'à des conseils en diététique (« le petit-déjeuner est le repas le plus important »), mettre un voile pudique sur les seins ou sermonner le protagoniste pour ses insultes. À ses côtés, Deadpool se force à des efforts pour garder un semblant de conduite morale ; rajouter à cela ses motivations justifiées (sauver la fille) et la possibilité d'intégrer une équipe x (on apprend que la proposition fut de nombreuses fois soumises au mercenaire) et il est évident que Deadpool se rapprochera de la figure du héros dans la suite, un peu comme il l'a fait en rejoignant la x-force de Remender dans les comics. Comme il le dit d'ailleurs, il lui reste encore ses quatre autres chances.


J'entends déjà certains dire que si Deadpool reste effectivement un film super-héroïque, il surpasse les autres avec ce ton décalé et apporte enfin un vent d'air frais au genre, en réclamant plus de cet acabit. Bien qu'il est réussi, je pense qu'il en faudrait à la limite un par studio (MCU / FOX / DC) mais que ce type de film doit rester une minorité, d'autant que peu de personnages ont le potentiel d'un Deadpool. Ces films ne sont drôles et fun que parce que nous pouvons les voir comme des dérisions de chefs d’œuvres à la Spider-man ou des interprétations décalées de l'univers x-men, ils ne sont pas géniaux par eux-mêmes. En y réfléchissant, on peut se dire que Disney a déjà trouvé son cheval gagnant avec les gardiens de la galaxie, à voir si la suite ne se prendra pas trop au sérieux.


En conclusion, je dirai que Deadpool est une réussite : premier film de la nouvelle ère x-men, un spin-off brillant porté avec force par un Ryan Reynolds aussi taré et convainquant que son personnage est atypique, un film décalé à l'humour efficace. S'inscrivant totalement dans la saga, il fait presque regretter que x-men apocalyspe ne se passe pas à notre époque mais dans les années 90. De par sa qualité et son succès, il a probablement ouvert une nouvelle voie au genre héroïque et a commencé en beauté l'année 2016.

WeaponX
7
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le 15 févr. 2016

Critique lue 387 fois

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