Un film aussi schyzophrène que son personnage principal...

Par OhCaptainMyCaptain.


Deadpool. Un super-héros ? Oui mais pas n’importe lequel. Devenu un véritable meme sur internet, voire même quasiment un symbole pour la génération Y en quête d’emblème, Deadpool n’a pas débuté avec une telle aura derrière lui (bien que je suis sûr qu’il la préfère derrière que devant. NDLR : oui le rédacteur se met au niveau des blagues de son support, et se permettra de s’adresser directement à vous).


Aujourd’hui anti-héros préféré des fans, Deadpool a commencé en méchant mercenaire, mais déjà déjanté, face à Wolverine (qui restera son « pire ami ») et les Vengeurs. Le faux-sosie de Deathstroke correspond bien à notre génération : violent, drôle, décalé, trash, et communique directement avec le public. En clair, un comic qui se moque ouvertement des autres comics. Je ne le présente pas plus en largeur, vous l’ayant déjà présenté ici.


Le film a pour base un court métrage qui semble avoir été réalisé par un fan, et par une fuite qui semble finalement manigancé par Ryan Reynolds lui-même, la Fox décidé de relancer le projet. Après une gestion calamiteuse de l’anti-héros dans le non moins calamiteux X-Men Origins : Wolverine, l’idée d’un film uniquement centré sur celui-ci parait des plus « casse-gueule ». Mais avec un film classé R-rated (interdit au moins de 17 ans non accompagné), et porté Ryan Reynolds qui n’a plus rien à perdre après une carrière de super-héros (carrière tout court ?) complètement raté (Green Lantern et Deadpool donc) et qui se démène pour promouvoir son film, les premiers trailers commençaient à sentir très bon. Alors prenez votre cartable Hello Kitty sous le bras et entrez dans l’univers déjanté de Deadpool.


Wade Wilson (Ryan Reynolds) est un mercenaire déjanté qui s’acquitte de petit boulot de larcin avec un certain air de « jemenfoutisme » et d’envie de spectacle. Dans le bar où tout le monde vient récupérer son nouveau contrat et se faire payer, Wade rencontre une prostituée, Vanessa (Morena Baccarin), et le gérant La Fouine (T.J. Miller) avec qui il se lie respectivement d’amour et d’amitié. Mais bientôt, Wade apprend qu’il est atteint d’un cancer qui le ronge de l’intérieur et qui ne lui laisse que peu de temps à vivre. Il intègre donc le Programme Arme X, dirigé par le mystérieux Ajax (Ed Skrein), qui lui promet de le guérir et de lui donner des pouvoirs de mutant super-héros. Rien ne se passe comme prévu : si Wade est guéri et qu’il devient quasi-immortel, il a le visage ravagé. Sans vie normale possible, il jure alors vengeance et de retrouver Ajax.


A la lecture de ce scénario, on retrouve à la fois le point fort et le plus gros point faible du film. Sur cette base, le film est plutôt fidèle au comic d’origine, à quelques points près. Et si le scénario du comic est si limité et si grossier (devenir immortel, après ce postulat de départ, difficile de rester sérieux jusqu’au bout), c’est avant tout pour souligner la structure archétypale de certains super-héros archi-classiques (mec normal, élément perturbateur, devient super-héros malgré lui, sauve le monde et sa copine). Et quand je répète régulièrement que ce qui marche en comic (coucou X-Men Day of Future Past) ne marche pas forcément en films, surtout sans apporter le petit truc qui fait la différence, c’est qu’il y a bien une raison. Si ici la base est excellente pour se moquer des films de super-héros (j’y reviendrais plus loin, parce qu’il le fait superficiellement), il n’y a pas plus classique comme scénario. Pourtant, le réalisateur tombe dans le piège et s’en limite là : son film est schizophrène. Difficile d’entendre un personnage principal baver (à juste titre) sur les films de super-héros si son propre film tombe dans les mêmes travers, les mêmes schémas narratifs…


Quand on veut dénoncer une structure de films, il y a deux solutions : soit on réforme totalement le mode du film, soit on rentre dedans, on fait la même chose, mais en plus de souligner les incohérences des autres, on souligne ses propres incohérences, et là, c’est impactant. Je pense que l’on a été très nombreux à attendre Deadpool comme une claque niveau structure du film, à voir vraiment autre chose, pour dénoncer vraiment le modèle Marvel (que je défends au demeurant, mais il est vrai qu’il n’est pas parfait et qu’il commence à tourner en rond). Que le réalisateur choisisse la deuxième solution (par flemme artistique ? Par le syndrôme YesMan ?), c’est tout à fait son choix. Mais qu’il aille vraiment au bout et ne fasse pas la moitié du chemin : avec le décalage entre ce qu’on voit et ce qu’on nous dit, on a parfois du mal à se positionner. Cela peut même faire sortir du film certains, face à la redondance de blagues sur le défaut des autres alors que Deadpool est en train de faire exactement la même chose. Il en est de même avec le traitement de Vanessa : si elle débute très bien, très loin des clichés, elle rentre clairement dans le rang après dix minutes d’apparition, au point de devenir la copine en détresse complétement clichée. Quand on sort de Star Wars et du traitement de Rey, la chute est rude.


Partant, je crois avoir dit tout ce qui était à dire sur le film. Vous vous dites déjà : « Quoi ? Déjà ? Pas 5 pages de critiques ? » (à lire avec une voix de fausset, bien évidemment). Alors déjà ne nous emballons pas ! Mais si vous vous attendiez à un film réformateur, c’est plutôt râpé et vous allez être partiellement déçu. De là, la déception étant évacuée et la prise en compte d’un film sans prétention pris en compte, il convient de se recentrer sur le film : l’autre point sur lequel on attendait particulièrement Deadpool, c’était sur la violence, les vannes trashs, les vannes sur les autres super-héros, les blagues salaces…


Et bien, sur ce point, vous allez être servi, et Ryan Reynolds s’en donne à cœur joie. Tout commence d’ailleurs avec un générique qui a l’air classique, mais où tout le monde en prend pour son grade, et se termine avec une scène post-générique inattendue mais qui colle tellement au personnage.


Les blagues salaces ? Je ne l’évoquerais pas mais ça va même plus loin que ce que vous pouvez imaginer : si parfois c’est implicite et plutôt bien amené, le reste du temps cela sera vraiment TRES sale ! Pour les autres blagues, j’espère que vous n’êtes pas imperméable aux blagues pipi-caca, sinon vous allez trouver le temps très long. Par contre si vous êtes comme Mister T, vous allez encore en rigoler deux semaines après. La violence est vraiment gratuite mais plutôt bien réalisée, vous allez même avoir quelques haut-le-cœur et des frissons sur certaines. Deadpool se sert en tout cas admirablement bien de toutes ses armes, les chorés de combat n’étant pas des plus originales mais elles sont terriblement efficaces. Beaucoup se plaignent de la redondance et de la lourdeur de Wade Wilson lorsqu’il brise le quatrième mur. Je n’irais pas jusque-là, parce qu’il ne le fait pas si souvent. Je dirais que c’est surtout sur l’impact que quelque chose cloche : combien de fois le héros du Loup de Wall Street nous parle directement ? Une fois, et pourtant elle marque. J’aurais vraiment aimé que le réalisateur creuse plus ce filon, que Deadpool le fasse vraiment plus souvent et qu’il nous frappe d’autant plus. Reste que je n’avais pas autant ri depuis longtemps, depuis Kingsman pour être honnête. Faut-il toujours que cela soit adapté d’un comic pour que ca me plaise?


Très personnellement, j’attendais énormément Deadpool pour sa propension à s’intégrer, aussi bien que dans les comics, dans l’univers cinématographique, tant de la Fox qu’en général, qui s’est installé dernièrement. Là encore, impossible d’être déçu. Tout le monde en prend pour son grade, et c’est jouissif. Je n’évoquerais aucune blague pour garder le mystère, mais sachez que Avengers 1 et 2, Captain America 2, Iron Man 1, la trilogie X Men, les X Men nouvelle génération, Wolverine, Green Lantern (…) en prennent plein la figure, sans jamais être lourd. Rien que le dernier acte du film qui se situe dans un endroit bien connu des Vengeurs… Sans compter les blagues méta en cascade sur Hugh Jackman et Ryan Reynolds, et certains autres acteurs… Enfin, ce qui intègre vraiment Deadpool dans l’univers de la Fox, c’est bien entendu le manoir de Charles Xavier et la présence de Colossus et de Negasonic, agents recruteurs des X-Men. Et alors là, bravo l’équipe de réalisation. Si une blague du film attribue ça à la Fox, je remercie surtout le génie du réalisateur : ne pas mettre ouvertement des X-Men connus aurait porté atteinte à l’intégrité des univers, leurs chronologies. Ici, on ne sait pas vraiment où évolue Deadpool, et un personnage pareil dans un univers plus sérieux ferait irrémédiablement sortir du film et de ses enjeux. Reste à espérer qu’il n’intègre pas des films comme X-Men Apocalypse cet été…


Je vous fais grâce d’un paragraphe sur le jeu des acteurs, parce qu’hormis Ryan Reynolds qui se dépasse dans le film, et autres récupèrent un personnage tellement cliché qu’il est compliqué de les juger. Pas de fausse note cependant, et de toutes manières on ne va pas voir ce film pour les perf’ d’acteurs. Il en va de même pour la musique, même si ce simili-remix de l’ouverture de Beat It de Michael Jackson donne ce petit quelque chose en plus qui rend les scènes d’action encore plus épiques et jouissives.


Deadpool est finalement un film sans prétention qu’il faut réellement aller voir le cerveau posé par terre : si on peut être déçu du manque de fraicheur et de culot dans la structure même du film, avec un scénario archi-classique, il reste que le film est aussi déjanté dans la forme que son personnage. Violent, trash, sale, rempli de vannes et d’autodérisions, et porté par un Ryan Reynolds au sommet et complètement décomplexé. Une claque rafraichissante parmi les films de super-héros, qui aurait mérité d’aller un peu plus loin. Maintenant que les bases sont posées et qu’un 2 est en préparation (qui sera lui, encore plus casse-gueule), il conviendra d’aller plus loin, notamment dans la réalisation et le scénario, vers quelque chose de moins convenu. Reste que le film vaut la peine d’être vu, rien que pour avoir eu le cran et d’avoir réussi à amener quelque chose d’aussi trash et drôle dans un univers super-héroïque policé.

AgenceTouriste
8
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le 2 mars 2016

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