Cadeau aux fans avec très peu de concessions envers ce qui fait traditionnellement un bon film...

Deadpool 2 est dans la pure continuité du premier, avec tout ce que ça comporte de parti-pris à rebrousse-poil des habitudes du public, de blagues lourdingues, de violence gratuite et de tâtonnements méta-scato-geekophiles qui en font une extravaganza sauce comics à peine reliée au genre du film de super héros. L’impression que l’on a demandé à Chris Marker de faire un long-métrage d’une sélection de mèmes internet est bien plus forte que celle d’être devant une simple comédie d’action, ceci expliquant pourquoi j’ai autant pris mon pied : le film n’est pas principalement pour amateur de mégaproductions Marvel, il est surtout pour les fans purs et durs du comic Deadpool qui frissonneront devant ce délirant pastiche d’un univers qu’il connaissent, agrémenté parfois de clins d’oeils absurdes à d’autres films (John Woo, Entretien avec un vampire, etc).


Si le scénario fait l’exploit d’être encore plus inconsistant que le premier (où le « Merc with a mouth » partait sauver sa copine) pour n’être qu’une grosse aberration dialoguée servant à peine de fil rouge entre deux bastons pas toujours inspirées, c’est dans l’écriture qui tartine de grosses doses d’absurdes sur des lignes et des lignes d’irrévérences que Deadpool 2 brille. Typiquement si vous ne comprenez pas pourquoi Josh Brolin est surnommé Willy Le Borgne ou ce qu’est un Cerebro, il y a des chances que vous passiez à côté de ce jubilé nerd niché dans les dialogues. Ici la private joke est la règle. De façon assez incompréhensible d’un point de vue commercial, le film se veut encore plus pour un public de niche que son aîné qui avait déjà surpris tout le monde en devenant le film rated R (interdit aux moins de 16 ans) le plus rentable de tous les temps.


Ryan Reynolds, encore traumatisé par ses adaptations de comics ratés (X-Men Origins Wolwerine et Green Lantern pour ne citer que celles-là) a tenu à garder un contrôle absolu sur ce qui est vraiment sa saga, quitte à virer le réalisateur du premier Deadpool et à réenregistrer des dialogues alternatifs jusqu’à la sortie ciné de son nouveau bébé. Ayant réussi à transcender la série B (Buried et The Voices l’ayant prouvé avant qu’il enfile le costume rouge et noir), il offre un vrai cadeau aux fans hardcore avec très peu de concessions envers ce qui fait traditionnellement un bon film…


En effet, Deadpool 2, passé ses premières 30 minutes, prend la forme d’un patchwork de scènes pas follement bien reliées entre elles où le “lazy writing”, l’écriture feignasse, l’incohérence revendiquée, est couronnée. On atteint ainsi des sommets quand le film passe des dizaines de minutes à mettre en place des éléments présentés comme clefs pour le plaisir de les atomiser l’instant d’après, jouant à fond sur les attentes des spectateurs. La dedans sont jetés Domino (Zazie Beetz, qui sort son épingle du jeu en offrant une version afro nonchalante du personnage) et Cable (Josh Brolin) qui est un peu plus problématique car s’il a bénéficié, dans les comics, d’un espace pour introduire son origin story complexe et son caractère dark avant de passer à la moulinette Deadpool, il se retrouve au ciné directement propulsé dans ce cartoon pour adultes. L’ersatz de terminator, s’il arrive à capter un certain capital sympathie, se retrouve ainsi dramatiquement sous-exploité de même que tous les antagonistes semblent bâclés, la faute encore une fois au film qui se détache, volontairement et pas avec le dos de la cuillère, de son intrigue et de ses personnages.


En clair, surtout après Black Panther et Infinity War qui se prennent (parfois trop) au sérieux, Deadpool 2 conserve l’aspect “soupape de décompression” qui faisait le charme du premier, mais en voulant taper plus fort dans son casting, sa transgression, ses effets spéciaux et sa durée (15 minutes de plus, rien de bien méchant), il perd parfois son équilibre entre nanar assumé et nanar involontaire. Ça m’étonnerait qu’il déçoive un fan mais le spectateur qui commence à en avoir marre de se taper 2h de blockbuster Marvel chaque mois depuis février et qui n’est pas particulièrement sensible à la mythologie X-men ne se sentira pas forcément concerné par le délire proposé. Un choix audacieux et respectable pour un blockbuster mais voilà vous êtes prévenu, Deadpool fait dans le gras et le sale, mais il le fait plutôt pour initiés.


Et puis Deadpool 2 a tué le game de la scène post-générique, rien que pour ça…

Cinématogrill
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le 22 mai 2018

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