Death Note
3.5
Death Note

Film de Adam Wingard (2017)

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J’ai vu le film Death Note quelques mois après sa diffusion et un an après avoir vu l’anime. Quelques critiques avaient éveillé mon attention. De ces quelques avis, j’avais pu dresser cette description sommaire du film : « vaste saloperie d’une heure et demie chiant littéralement sur l’œuvre originale ». Cependant, il me fallait vérifier si le film Death Note était si mauvais que ça. Je l’ai donc téléchargé et regardé.


Verdict : c’est effectivement une vaste saloperie d’une heure et demie chiant littéralement sur l’œuvre originale. Je m’étais juré de le regarder en entier, et si ça n’avait pas été le cas, j’aurais arrêté au tiers du film, tant c’était affligeant. Je n’ai pas pu le regarder d’une seule traite tant je me m’emmerdais à regarder cette chose ; il a fallu que je regarde les deux moitiés à deux jours d’intervalle.
Tout est mauvais. Tout, sans exception ou presque. La musique est oubliable, le scénario se détruit lui-même, les acteurs jouent incroyablement mal, l’adaptation est exécrable, etc. Voyons cela plus en détail.


L’adaptation, tout d’abord.


Tout porte à croire que les scénaristes ne possédaient en tout et pour tout comme connaissance sur le manga que quelques minutes prises au hasard dans l’anime. Résultat : ils n’ont rien compris à Death Note et étalent leur nullité sur le sujet comme s’ils en étaient fiers. Mon visionnage du film était ponctué de cris de détresse et d’incompréhension tant ils avaient fait n’importe quoi. Ce n’est pas Light qu’on voit ici, ce n’est pas L, ce n’est pas Ryuk, ce n’est pas Death Note. Tout cela a beau avoir le même nom que dans le manga, ce n’est en rien pareil. Le film s’y accroche pour faire croire que l’on regarde une adaptation de l’œuvre de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata, mais ça ne marche pas.


Dans l’œuvre originale, Light est un enculé (j’insiste là-dessus) : il n’a strictement rien à faire du monde qui l’entoure, il est bien trop grand pour ça. Ses relations avec son entourage ne sont que mépris et manipulation. Quand je lis le manga, l’impression qui ressort est que Light éprouve autant de respect envers Misa qu’envers son stylo bic. Ce que veut Light, sa raison d’agir, c’est créer un monde dont il puisse être le dieu. Light est un type haïssable, aux objectifs haïssables qu’il cherche à atteindre d’une manière toute aussi haïssable. Ce qui fait de Light un personnage intéressant, c’est que sa quête, toute aussi haïssable qu’elle soit, va amener un monde meilleur ; c’est là que réside toute l’ambiguïté du personnage et l’intérêt de l’histoire.


Dans le film, on a droit à un Light éco-plus qui, au lieu d’être un enculé dominant ses congénères par la force de son mépris, est une victime de bas étage. Ainsi, dès les premières minutes (d’ailleurs, ce début de film est mis en scène de telle façon que j’ai d’abord cru à une adaptation de school days), on le voit, alors qu’il cherche à s’abriter de la pluie, apercevoir un élève se faire frapper par la plus stéréotypée des brutes de collège et s’interposer pour prendre la défense de celui-ci. Le cliché de caïd commence alors à frapper Light qui lui sort alors des arguments traditionnellement réservés aux victimes des cours de récréation (« Nan, mais si tu me frappes, ça veut dire que je suis plus intelligent que toi » véridique, il dit réellement ça) avant de se prendre un pain qui l’envoie dans les pommes. Le proviseur le voit inconscient, et que fait-il ? Il lui met deux heures de colle pour avoir fait les devoirs à la place de ses camarades.


Dur. Ça doit faire mal de tomber si bas. On aurait presque pitié de lui, s’il n’avait pas une telle tête à claque.


D’ailleurs, notons que dans le manga, il y a effectivement, une scène où Light voit quelqu’un se faire racketter tout près de lui. Sauf que dans le manga, il réagit plutôt comme ça : « Non, je ne vais pas intervenir, et je n’utiliserai pas le Death Note sur lui, je ne dois pas en faire usage sur des gens trop proches de moi ». Quand une adaptation reprend une scène en la faisant se dérouler à l’inverse juste pour le plaisir de se chier dessus, c’est mauvais signe.


Je voudrais bien pardonner au film si au moins, en acquérant le Death Note, Light acquérait un peu de caractère, qu’il devienne plus cynique et qu’il finisse par vraiment désirer devenir un dieu. Sauf que Light reste une fiotte du début à la fin. Je dirais même qu’il empire. Non seulement l’objectif de devenir le dieu de son nouveau monde part à la trappe, remplacé par un but purement altruiste d’améliorer la société, mais en plus, il éprouve des remords et se repend. Sérieusement ?


Aussi haïssable que soit le Light du manga, on peut éprouver du respect pour lui. Le Light du film est d’une telle inconsistance et représente tellement bien ce qu’est la fragilité sur tous les plans que l’on ne peut que le mépriser. Les scénaristes, en voulant le rendre gentil, n’ont réussi qu’à le rendre infiniment plus détestable que l’enculé du manga.


Voyons L, à présent. Ce personnage est d’une telle inconsistance que je ne vois pas trop quoi dire dessus. Il est juste là pour faire joli. Il ne sert à rien. Vraiment. Il ne sert absolument à rien. Parfois, il dit des trucs pour faire croire que l’enquête avance, mais à chaque fois, ça sort de nulle part. Finalement, il trouve que Kira est Light parce que… parce que… Fin il découvre que Kira est Light, pif pouf magie. Et c’est alors que survient une course-poursuite aussi malaisante qu’inutile.


Une course-poursuite ! Y a-t-il besoin de rajouter quoi que ce soit ? Faut-il rappeler que L est censé être un type calme en toute circonstance (L, c’est quand même celui qui, lorsqu’il voit un dieu de la mort n’a pas d’autre réaction que « Oh, un dieu de la mort »), posé, qui ne s’éloigne jamais de son fauteuil et de son plateau de sucreries (dans le film, on voit quand même L manger un bonbon à un moment, pour la forme). D’où vient-il alors qu’il devienne ici une puce surexcitée qui passe la moitié de ses scènes à gueuler, qui se rend lui-même sur les scènes de crimes et qui va jusqu’à tenter d’assassiner Light parce qu’il a aucune preuve ? Et le mieux, c’est que finalement, celui qui prouve que Light est Kira, ce n’est pas le « génial » L, mais le père de Light. En fait, L est ici plus proche d’une punk à chien que d’un détective. Je n’ai qu’une chose à dire : Nani ?


Quant à Ryuk, ce n’est guère mieux. On aurait pu se dire que le Ryuk de l’anime était parfait pour un film aussi court. C’est juste un shinigami qui veut s’amuser en voyant ce que font les humains avec son Death Note. On peut sacrifier pour lui trente secondes de développement à tout casser et redistribuer le temps gagné aux autres personnages. Mais non, ils ont préféré en faire une figure pseudo-sombre pseudo-inquiétante aux motivations au mieux obscures, au pire vaseuses.


Le Death Note lui-même est raté. D’accord, ils ont choisi de ne pas utiliser de crise cardiaque. Mais pourquoi ? C’était si simple, pourtant, et ça aurait permis d’économiser tant d’argent dépensé dans les effets spéciaux douteux et de le réinvestir dans un scénario un peu meilleur. Ils auraient au moins pu choisir des morts simples. Je sais pas moi : écrasé par une voiture ou suicide sur les voies ferroviaires. Parce que c’est évident que le type qui meurt à cause du faux rebond d’un ballon de basket qui a forcé un camion à ralentir d’un seul coup qui a envoyé l’échelle à toute vitesse qui a décapité le bonhomme, c’est évident que ce n’est pas naturel.


Quant à Misa, n’en parlons pas. Dans le manga, on avait droit à une fille conne dont le seul intérêt résidait dans la relation de soumission à Light, cette relation étant la seule chose la rendant utile à l’histoire. Dans le film, la soumission de Misa est parti avec le « s » de son prénom. Par contre, la connerie est restée.


A part ça, je tiens à préciser que je n’ai rien contre le fait que des acteurs blancs jouent dans ce film. Ça ne me dérange pas non plus que Light Yagami devienne Light Turner. Ce que je veux, c’est que les motivations profondes des personnages ainsi que leur caractère soit respecté. Ici, ce n’est pas le cas. On chie littéralement sur les personnages.


D’ailleurs, petite friandise pour la route. A un moment, Light dit : « Kira veut dire tueur en japonais. Je vais donc signer mes meurtres sous le nom de Kira. Ainsi, la police se lancera sur une fausse piste ». Sauf que perdu. Kira n’est pas un mot japonais mais est la prononciation japonaise du mot anglais « killer ». En plus, c’est précisé dans le deuxième épisode de l’anime. Il aurait suffi que les scénaristes regardent l’anime jusque-là pour éviter cette gourde. Dommage.


Mais assez craché sur l’adaptation. Crachons à présent sur le film en lui-même.


Ce film est mauvais, tout simplement. C’est un film pour adolescents de série b au scénario cliché, vu et revu depuis plusieurs décennies et toujours aussi inintéressant. Si ça n’avait pas été une adaptation d’un des mangas les plus connus, produite par le plus célèbre des diffuseurs de série, on n’aurait jamais entendu parler de ce film, et ça aurait été bien mieux ainsi.


Le problème du film Death Note, en plus de ne pas marcher en tant qu’adaptation, c’est qu’il ne marche pas en tant que film. Comme nous avons vu pourquoi c’était une mauvaise adaptation, écartons donc à présent de cette critique toute référence au matériau d’origine, pour nous intéresser uniquement à notre bousin.


Le Death Note, tout d’abord, qui était censé être le pivot de l’intrigue mais qui est plutôt la base d’une foule d’incohérences. Ici, on repart sur de nouvelles règles. Ainsi, apparemment, on ne meurt plus par défaut à cause d’une crise cardiaque, mais d’une mort improbable et statistiquement impossible (rappelez-vous le ballon qui gêne l’automobiliste qui envoie l’échelle qui décapite le gars, on en parlé plus haut). De plus, il faut connaitre le nom et le visage de la personne que l’on veut tuer. Enfin, on peut manipuler à souhait une personne avant de la faire mourir.


En partant de ces règles, je me suis posé une question. Pourquoi Light ne marque-t-il pas « L » dans le Death Note ? Je ne sais pas moi. Apparemment, ça marche avec Watari, c’est donc que les surnoms comptent comme des noms. Donc pourquoi ne pas essayer avec L ? Il n’y a pas de raison ? C’est bien ce que je pensais ; le film se chie dessus.


D’ailleurs, L, qui est présenté comme un détective de génie, est une grosse buse. Je m’explique. La première victime du Death Note est un élève du même lycée que Light qui passait devant le lycée au moment où celui-ci était en colle. Cet élève meurt à cause du ballon qui fait un faux rebond, qui fait dévier la voiture, etc. C’est quand même pas banal. On peut, par conséquent, établir sans hésiter que L n’aurait dû avoir aucun mal à comprendre que cette mort n’était pas naturelle. Et pourtant, il n’en parlera jamais. La deuxième victime est l’assassin de la mère de Light, qui meurt lui aussi dans des circonstances pas banales.


Résumons : les deux premières victimes sont un élève du lycée de Light et l’assassin de la mère de Light, et L ne se servira jamais de ce fait pour coincer Light. Il préférera utiliser la magie du scénario pour établir à partir de rien que Light est Kira (et même là, il ne fera jamais poser de micro chez Light pour essayer de prouver sa théorie). Si ça, c’est pas l’illustration même de la connerie… Il faut atteindre la fin du film pour que quelqu’un fasse le rapprochement, et celui qui fait ça, ce n’est pas L, c’est le père de Light, qui dans un instant de bon sens, réussit à sortir de l’océan d’idiotie dans lequel le film était plongé jusque-là. La scène où le père de Light comprend cela est d’ailleurs la seule bonne scène du film, selon moi.


Pour changer, petit fait amusant (ou affligeant, c’est selon) : à un moment, Light demande à Ryuk ce qu’il se passe si l’on écrit son nom dans le Death Note ce à quoi Ryuk répond que des gens ont déjà essayé, mais qu’ils n’ont pas pu aller plus loin que le deuxième lettre. Pourtant, à un autre moment, on voit marqué dans le Death Note : « méfie-toi de Ryuk ». C’est donc que quelqu’un à bien réussi à marquer son nom. Se rater à un tel niveau, j’appelle ça du génie.


A un autre moment, Light se dit qu’il ne doit montrer le cahier à personne. Et que fait-t-il au plan suivant ? Il marque des noms dans le cahier alors qu’il est assis sur les gradins du stade de son école, visible par tous, pendant l’entrainement de l’équipe locale. Bravo la discrétion. Mia vient donc le voir et lui demande ce qu’il fait. Et Light, comme un con, oubliant toute la scène précédente, lui révèle tout.


Et tout au long du film, on verra les deux marquer des noms sur le cahier dans les endroits les moins discrets qui soient, dont plusieurs fois au CDI de leur école. Oui, vous avez bien lu : le CDI, cet endroit rempli de témoins possédant la connexion internet la moins sécurisée du monde. Un enquêteur avec plus de deux neurones aurait pu attraper Light juste en vérifiant l’historique de l’ordinateur utilisé et en interrogeant les témoins.


Je voudrais bien parler aussi de Misa (ou Mia, si vous préférez), mais le personnage est d’une telle vacuité et d’une telle stupidité (éliminer les agents du FBI qui te suivent, c’est pas spécialement intelligent) que je ne voie rien à dire sur elle. Je vais donc renvoyer ce personnage au néant scénaristique qu’il n’aurait jamais du quitter pour conclure au plus vite cette critique.


A présent que j’ai établi plusieurs points pour montrer que Death Note était mauvais à tous les égards, quel bilan en tirer ? Et bien c’est simple : aussi nul qu’il soit, je vous encourage à regarder ce film. C’est là l’intérêt des nanars, être regardés en raison de leur nullité.

imperosol
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le 20 mai 2018

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imperosol

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