Flatteur à l'oeil, agréable en bouche, assaisonné de répliques épicées, un beau film manquant juste

Il y a plus de vingt ans sortait « Vatel » qui racontait l’histoire de l’intendant éponyme d’un noble cherchant à regagner les faveurs du Roi par le biais d’une somptueuse réception culinaire pour éblouir la Cour. Malmené par la critique et boudé par le public, il peut néanmoins se voir comme un préambule à « Délicieux » qui, un siècle plus tard, montre la naissance de l’art de la cuisine et des plaisirs de la bouche pour tous. Bien plus réussi que le boursouflé film de Roland Joffé, celui d’Éric Besnard charme nos papilles et nous met l’eau à la bouche avec sa description de la cuisine d’antan. Plus minimaliste et humble par la force des choses (le budget de « Vatel » était astronomique pour l’époque et le four d’autant plus cuisant), ce long-métrage n’en demeure pas moins de très belle facture visuelle. La reconstitution est appliquée même si elle se circonscrit la plupart du temps dans le cadre de cette auberge de campagne, satellite aux fastes du château non loin. Même si on se croirait parfois dans une imagerie digne d’une pub Herta, vantant les saveurs du passé et capitalisant sur la nostalgie d’une France définitivement révolue depuis des lustres à l’aube de la Révolution, l’œil est ravi. Les décors semblent en tous points fidèles à l’époque, tout comme la manière dont était faite la cuisine au XVIIIème siècle sans verser dans le simili documentaire. On aurait peut-être aimé être davantage mis en appétit avec plus de plans sur les mets cuisinés mais « Délicieux » tient la rampe et nous fait sporadiquement saliver. Les films sur la cuisine, contemporains comme se déroulant dans un passé plus ou moins proche, sont assez rares et peu se sont révélés marquants. Tout juste retiendra-t-on le joli « Chocolat » si l’on n’est pas allergique aux bons sentiments. Mais la moindre des choses pour ce genre de film est qu’il mette en appétit et l’histoire de ce cuisinier qui va inventer la restauration y parvient plutôt bien.


On reprochera peut-être au scénario d’être un peu trop lâche et de manquer de liant. On assiste ici aux atermoiements d’un homme touché dans son orgueil et d’une femme désireuse de se venger. Un beau duo romantique que l’on aurait aimé plus approfondi, tout comme le personnage du duc et sa relation avec notre cuisinier, qui s’avère un peu trop elliptique. Mais Grégory Gadebois, la trop rare ces temps-ci Isabelle Carré et Benjamin Lavernhe représentent un casting de choix dont le jeu tout en finesse permet de rendre plus consistant le script. On peut également ajouter Guillaume De Tonquédec très à l’aise en intendant coincé et à qui l’on doit les scènes les plus drôles. Car si « Délicieux » n’est pas à proprement parler une comédie, il y a pas mal de bons jeux de mots et de séquences caustiques qui font rire ou sourire. En prime, quelques anecdotes croustillantes viennent pimenter un film un tantinet trop long (l’histoire de la frite est plutôt amusante). La mise en scène est chaleureuse et Besnard devrait caresser dans le sens du poil les adeptes de la France d’antan, option campagne bucolique. On y parle aussi politique et société de manière habile et on pourrait y trouver quelques parallèles intéressants avec l’époque dans laquelle on vit (on est à l’aube du soulèvement du peuple). Le personnage du fils permet donc d’élever le propos au sein d’une œuvre savoureuse, belle à regarder et plutôt réussie. Délicieux, peut-être pas autant que prévu, mais en tout cas fort agréable en bouche.


Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.

JorikVesperhaven
7

Créée

le 16 sept. 2021

Critique lue 948 fois

3 j'aime

Rémy Fiers

Écrit par

Critique lue 948 fois

3

D'autres avis sur Délicieux

Délicieux
sawatdie
4

Critique de Délicieux par sawatdie

(Ce que j’écris ci-dessous peut dévoiler certains pans de ce film que je tiens pour simplet – comme l’est ma "critique" - et outrancier à la fois.)Il semble que les auteurs se soient inspirés...

le 12 avr. 2023

33 j'aime

13

Délicieux
No_Hell
7

Libérés, délivrés ...

Le film est plus plaisant que ce à quoi je m’attendais, étant donné les avis que j’avais pu lire et le public plus que clairsemé dans la salle. Il faut en convenir, la vérité historique n’est pas...

le 21 sept. 2021

22 j'aime

35

Délicieux
Foudart
8

Un film gourmand et sensitif

Comment est né le premier restaurant ? Au cours de lectures sur le XVIIIème siècle, je suis tombé sur l’invention du concept du restaurant. Je ne m’étais jamais posé la question de l’origine de ce...

le 30 août 2021

17 j'aime

4

Du même critique

Les Animaux fantastiques - Les Crimes de Grindelwald
JorikVesperhaven
5

Formellement irréprochable, une suite confuse qui nous perd à force de sous-intrigues inachevées.

Le premier épisode était une franchement bonne surprise qui étendait l’univers du sorcier à lunettes avec intelligence et de manière plutôt jubilatoire. Une espèce de grand huit plein de nouveautés,...

le 15 nov. 2018

93 j'aime

10

TÁR
JorikVesperhaven
4

Tartare d'auteur.

Si ce n’est une Cate Blanchett au-delà de toute critique et encore une fois impressionnante et monstrueuse de talent - en somme parfaite - c’est peu dire que ce film très attendu et prétendant à de...

le 27 oct. 2022

88 j'aime

11

First Man - Le Premier Homme sur la Lune
JorikVesperhaven
4

Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

On se sent toujours un peu bête lorsqu’on fait partie des seuls à ne pas avoir aimé un film jugé à la quasi unanimité excellent voire proche du chef-d’œuvre, et cela par les critiques comme par une...

le 18 oct. 2018

81 j'aime

11