Demain et tous les autres jours – Un triste constat pour le cinéma de Noémie Lvovsky…

Bon… Peut-être que ceux qui sont habitués à me lire verront dans ces trois molles étoiles un nouveau témoignage de mon indifférence / exaspération / mépris à l’égard du cinéma français… Pourtant non. Cette fois-ci, ce sont trois étoiles de tristesse. Vraiment… Tristesse, pourquoi ? Bah parce que ça me blase que, pour une fois que je tombe sur un film français qui n’est ni hautain, conformiste, moraliste et hideux formellement, malgré tout ça ne passe pas… Et franchement ça me blase parce qu’il ne s’en fallait vraiment de pas grand-chose pour que ça passe me concernant. Il aurait juste fallu qu’il y ait… du contenu. Bah ouais, parce que sinon tout le reste ça va, franchement ! Déjà, l’histoire de base, moi, je la trouve malicieuse. Une relation d’amour entre une mère folle et sa fille, je trouve ça assez original, et la traiter du point de vue un peu rêveur de la gamine, je considère personnellement que ça dédramatise totalement ce postulat de départ qui aurait pu facilement virer dans le pathos bien lourd. Pour le coup, l’apport de cette chouette qui parle va dans le bon sens et enrichit clairement la démarche. C’est qu’en plus, rien de tout cela ne m’est paru prétentieux ou méprisant. Encore une fois, je ne peux que louer la posture de Noémie Lvovsky dans ses créations : ça se veux toujours simple, sincère, touchant… Il n’y a pas cette condescendance habituelle des films français qui veulent enrober leur souffrance dans un standing de haut-bourgeois. D’ailleurs, ça se ressent dans la forme. Sans être vraiment inventives, la composition des cadres, la photographie ou bien encore le son, sont très propres. C’est sobre et efficace. Et puis enfin, je ne pourrais pas non plus passer sous silence le très bon casting du film. Parmi les belles prestations, il y a déjà celle de Noémie Lvovsky ; celle de Mathieu Amalric aussi (et il y avait bien longtemps que Mathieu Amalric ne m’avait pas plu dans un film, donc merci !); mais surtout, il y a cette interprétation solaire de la petite Luce Rodriguez. Cette gamine rayonne comme jamais. Elle pétille et elle est juste dans son jeu à chaque fois. Ralalah ! Rien que pour elle, j’étais d’ailleurs prêt à m’enflammer pour ce film… Seulement voilà – comme je le disais plus haut – ces seuls éléments ne suffisent pas pour moi à faire un film plaisant. Et là, pour le coup, c’est donc l’enlisement qui a ruiné les efforts de ce film sur le long terme. Clairement… Ce film, il ne bouge pas. Il ressasse sans cesse les mêmes situations sans réelle progression, laissant au passage de côté tous les éléments qui pouvaient donner sa pate à cette intrigue. La chouette parlante est par exemple très peu exploitée en fin de compte : elle arrive assez tard ; interagit finalement très peu avec l’intrigue ; et s’efface très vite se transformant rapidement en un simple élément décoratif. D’ailleurs, je m’étonne qu’au final, cette dimension liée à l’imaginaire de la jeune Mathilde soit à ce point marginalisé.


(Pourquoi le passage lié au squelette Oscar ne bénéficie-t-il pas d’un traitement similaire à celui de la chouette ? Pourquoi un regard extérieur cette fois-ci alors qu’avec la chouette on nous faisait vivre le dialogue intérieur de la petite ? Mystère…)


Au final, quand on arrive au bout de l’heure et demie de film, on se rend quand même compte qu’il n’y a eu finalement pas grand-chose de raconté là-dedans : pas beaucoup de phases différenciées ; pas beaucoup d’étapes dans l’évolution de la relation mère-fille ; juste une intro et une conclusion à bien y regarder… Et c’est là pour moi que ce film est triste. Parce qu’on pourrait se poser la question du « pourquoi ce choix ? » Or moi je pense que la réponse est assez désolante d’une certaine manière. Je ne pense pas que Noémie Lvovsky ait vraiment fait eu le choix. J’ai plutôt l’impression qu’elle a subi ses propres limites. Parce que oui, ce n’est pas dans la culture du cinéma français que de gérer des univers fantasmagoriques. Ce n’est pas non plus dans la culture du cinéma français que de penser un univers ou une histoire en termes de densité. Du coup, bah quand on est une réalisatrice française et qu’on s’attaque à ce genre de démarche, eh bah on n’est pas très à l’aise avec. Pour moi ce n’est pas un hasard si au final la chouette se révèle plus être un détail de l’intrigue plutôt qu’un élément central. Si c’est ainsi fait, c’est tout simplement parce que Noémie Lvovsky ne savait pas comment développer ça tout en restant fidèle à son propos et son atmosphère ! Très rapidement, elle est retournée vers ce qu’elle savait faire ; vers ce qui lui était familier… Elle est retournée vers ce qui fait que le cinéma français est si… français. Et c’est dommage donc. Parce qu’au final, quand je regarde la bande-annonce du film, je trouve que c’est un meilleur film que le long-métrage en lui-même. Après tout, tout est déjà là, ne manque que le final. Donc oui, je suis triste. Parce que dans une autre culture cinématographique, elle aurait certainement pu s’épanouir autrement cette chère Noémie Lvovsky…

Créée

le 9 oct. 2017

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