Une bombe. Il n'y a pas meilleur terme pour définir à la fois le fond et la forme du dernier long métrage de Kathryn Bigelow. Malgré ses 58 ans bien tassés et le temps qu'elle a passée loin des caméras après l'échec de sa dernière production K-19, Le Piège des profondeurs, celle qui fut la compagne de James Cameron le temps de deux printemps et la réalisatrice de perles telles que Point Break ou Strange Days nous revient avec l'un des films les plus claustrophobes de ces vingts dernières années, signant au passage son retour d'une main de maître. Mieux encore, Démineurs s'avère être assurément le meilleur parmi une longue liste de films traitant de la récente excursion américaine en Irak, ce qui au regard des concurrents est loin d'être négligeable.

Les dix premières minutes à elles-seules constituent l'argument-choc qui mettra tout le monde d'accord sur cette assertion aux premiers abords gratuite et peu objective. Si le suspense ne nous a jamais paru aussi insoutenable, on le doit à la capacité qu'a Bigelow de nous faire entrer en immersion totale avec l'équipe de déminage américaine que nous suivrons deux heures durant, nous coupant du reste du monde grâce à la capacité troublante d'étirer l'espace et le temps au gré des longs plans caméra à l'épaule nous faisant retenir notre souffle à chaque pas que le soldat parvient à faire. Car s'il n'aura suffit que d'un mort pour mettre à nu la fragilité latente de ces héros suicidaires, le génie de la mise en scène réside dans la présence de plusieurs plans de coupe sur la faune orientale, véritable carcan d'oppression rappelant à chaque instant que le danger peut aussi bien venir d'une explosion que d'un coup de feu d'un tireur embusqué.

Plus encore que le danger et l'incertitude, la cinéaste nous donne à méditer sur l'absurdité constante de cette guerre pas comme les autres à travers le regard qu'elle porte sur son personnage principal, véritable jonction entre le kamikaze et la tête brûlée, sorte de Tom Cruise période Top Gun l'humour en plus, la gueule d'ange en moins. Car l'une des grandes forces du casting est d'être composé essentiellement d'inconnus, ce qui aide à pénétrer pleinement dans le cauchemar éveillé de ces soldats pour qui l'espoir n'est qu'un lointain souvenir tout juste bon à ranger aux côtés de l'idéologie américaine du temps des moissons meurtrières d'Asie mineure. En l'occurrence aux oubliettes. La mort rôde à chaque plan, même quand l'action n'est plus au coeur de la narration (subtile séquence de la discussion entre deux démineurs sur l'utilité des paravents contre les fenêtres de leur dortoir), et la tension, aussi omnisciente qu'omni-présente, devient si peu supportable qu'elle en est jubilatoire. A vous couper le souffle !

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le 19 mai 2012

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Kelemvor

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