Finalement, c’est presque là que commence la carrière de Bigelow, 25 ans après son premier long. Nous sommes en Irak en pleine « seconde guerre du Golfe » ou Dieu sait comment on doit nommer cette « opération liberté irakienne ». Pour faire court c’est le bordel dans cette guerre asymétrique où l’ennemi est partout. On va suivre une unité de trois démineurs dans une chronique du quotidien. Il y a celui qui flippe, persuadé qu’il va mourir là. Il y a celui qui fait le job en évitant de se poser trop de questions. Il y a la tête brûlée, celui qui n’a rien à perdre et qui risque tout. On comprend vite qu’il s’agit de nous faire vivre la vie au front, si front il y a. Ce n’est pas tant l’évolution de l’intrigue qui compte que les petits détails des conversations qui trahissent l’état d’esprit et les petits gestes qui vont faire que le gars va vivre ou mourir. Bigelow a choisi l’hyper-réalisme. On y va donc à la steadycam et on se faufile dans la poussière des explosions et parmi les civils dont on ne sait de quel camp ils sont. Ça rappelle par moment le jeu vidéo à la troisième ou à la première personne, manière de nous dire que ce sont bien des jeunots que l’oncle Sam à envoyé dans cet enfer. Et ce choix de la macro nous empêche de donner du sens aux événements. On ne saura pas qui a posé la bombe ni pourquoi. Du coup, pour quel objectif le soldat risque-t-il la mort ? Comment peut-il justifier de risquer sa vie ou d’ôter celle d’autres personnes. C’est en creux la question lancinante. Multi-récompensé, Démineurs semble être l’aboutissement de la réflexion de Bigelow. On y croise l’uniforme qui lui est cher mais cette fois, il s’agit moins d’honorer son symbole que celui qui le porte. Il s’agit moins de saluer les héros que de plaindre les victimes (parfois consentante). Enfin, si le regard est évidemment américain, on est bien loin du récit manichéen. Visuellement, c’est âpre et rugueux, ça pique la gorge et les yeux, ça cogne sans répit. On est quelque part entre le premier Rambo et la vague des films contestataires sur le Vietnam des années 1970, le lyrisme en moins. Un film impressionnant au suspens implacable, très vivement conseillé.

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le 31 oct. 2020

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