Par Vincent Malausa

Le retour de Kathryn Bigelow est forcément une bonne nouvelle. Après l'étrange et remarquable K-19, la cinéaste d'action - assez seule à ce poste - s'empare de l'actualité irakienne. Un sujet qui ne l'a pas attendue pour se voir traité avec des pattes d'ours par bon nombre de faiseurs-poseurs hollywoodiens apôtres des film-hippopotames à thèse (Redford, Haggis, Greengrass, Berg, Broomfield… il ne manque que Clooney, qui arrive à pas trébuchants avec The Men who stare at goats), exception faite du vertigineux Redacted. L'ouverture suffit à remettre les idées en place, séquence de désamorçage ratée sur laquelle prolifèreront toutes les suivantes, jusqu'à la nausée. Plaçant le spectateur dans le feu de l'action (souffle claustro, visions subjectives, poussière, chaleur écrasante), Bigelow ne sort quasiment à aucun instant de sa problématique minimale, suite de missions marquées par le compte à rebours de l'attente du retour au pays (une trentaine de jours). La brigade antibombes se compose d'un petit groupe dont l'équilibre hawksien est bientôt menacé par une tête brûlée, le sergent James, qui désamorce les bombes comme un charcutier vendrait son boudin : avec le soin amoureux de l'artisan passionné.

Démineurs vaut évidemment moins comme film à thèse sur l'invasion américaine que comme série B à la tension sèche et primitive (le film n'a quasiment rien couté) : il s'enferme dans sa logique claustrophobe - Bagdad comme une poudrière géante dont la moindre particule est susceptible d'exploser à la face des Marines - pour rendre le film d'action à son socle le plus archaïque - celui-là même sur lequel s'épanouit tout le cinéma de Bigelow. La représentation des Irakiens n'est évidemment pas la part la plus réussie du film (voir la séquence embarrassantes embarrassée de l'homme-bombe de la fin), mais ce travail d'exténuation des figures auquel se livre la cinéaste, avec en son cœur une sublime scène d'embuscade dans le désert, ne vaut au fond que comme long cauchemar diurne, réduisant les Marines à quelques Sisyphe ravagés du bulbe et s'effaçant dans la poussière. Il faut voir la tenue de bibendum que doit enfiler le sergent James pour réaliser ses missions : elle figure une sorte de cosmonaute qui se serait trompé d'époque et de planète, évocation pathétique d'une dé-conquête de l'espace dont l'Irak serait le reçu pour solde de tout compte. C'est la plus belle idée du film, qui reboote à elle-seule le grand chantier du film de guerre contemporain.
Chro
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Chro : Top 10 cinéma 2009

Créée

le 28 août 2014

Critique lue 256 fois

Chro

Écrit par

Critique lue 256 fois

D'autres avis sur Démineurs

Démineurs
Nioto
10

Docteur Maboul

Etre démineur en Irak, c'est comme jouer à une sorte de Docteur Maboul niveau compétition internationale. Il faut couper le fil bleu avec des gants de boxe sans toucher les bords en portant une tenue...

le 26 juin 2010

45 j'aime

4

Démineurs
krawal
5

Critique de Démineurs par krawal

La thématique est forte, rarement exploitée au cinéma, mais le tout manque de cohérence/réalisme malgré la mise en scène caméra à l'épaule et cadre façon "attention film indé". La réalisation souffre...

le 3 mai 2010

39 j'aime

6

Démineurs
Kalian
6

Tic-tac...tic-tac

Le propos du film? La guerre, c'est la meilleure came qui existe pour un adrenaline junkie. Merci Kathryn, je n'aurais jamais deviné ça sans toi. Démineurs n'est donc pas un film très intelligent. Ce...

le 19 août 2010

30 j'aime

Du même critique

Les Sims 4
Chro
4

Triste régression

Par Yann François « Sacrifice » (« sacrilège » diraient certains) pourrait qualifier la première impression devant ces Sims 4. Après un troisième épisode gouverné par le fantasme du monde ouvert et...

Par

le 10 sept. 2014

42 j'aime

8

Il est de retour
Chro
5

Hitler découvre la modernité.

Par Ludovic Barbiéri A l’unanimité, le jury du grand prix de la meilleure couverture, composé de designers chevronnés, d’une poignée de lecteurs imaginaires et de l’auteur de ces lignes, décerne sa...

Par

le 10 juin 2014

42 j'aime

Broad City
Chro
10

Girls sous crack.

Par Nicolas Laquerrière Girls sous crack. Voilà la meilleure façon de décrire Broad City, dernière née de Comedy Central (l'historique South Park, l'excellente Workaholics, etc), relatant les...

Par

le 4 août 2014

30 j'aime

1