La philosophie du frigidaire commence avec un frigidaire, ce qui tombe plutôt bien parce que la philosophie du frigidaire sans frigidaire, mais avec disons un micro-onde, ça ne marcherait pas tellement, bien que ça pourrait, finalement, mais on parlerait alors de la philosophie du micro-onde, on pourrait même prendre un grille-pain que ça marcherait aussi, mais on aurait alors la philosophie du grille-pain, où alors même une jolie tondeuse, pour ceux qui préfèrent l’entretien du jardin à l’électroménager de cuisine et on se retrouverait avec une chouette philosophie de la tondeuse.


Mais nous avons ici à faire à la philosophie du frigidaire, qui commence donc avec un frigidaire, un frigidaire qui fuit, un frigidaire qui fuit qui n’est même pas présent à l’écran, un frigidaire qui fuit qui n’est même pas présent à l’écran mais qui arrive dans une conversation. Une conversation en voiture entre un jeune homme, pas tellement jeune d’ailleurs mais pas tellement vieux non plus, très propre sur lui, bien rasé et bien peigné dans son joli costume, qui parlait jusqu’ici business au téléphone mais qui se retrouve à causer frigidaire qui fuit avec une jeune femme, sa petite amie, qui lui demande s’il a réparé le frigidaire, qui fuit donc, mais lui ne se rappelle même plus que son frigidaire, et bien il fuyait, parce qu’il ne fait pas assez attention. Alors on est encore en pleine fuite de frigidaire que l’on se retrouve dans le verre brisé et la tôle froissée d’une collision de voiture et la jeune femme, sa petite amie, meurt.


Et c’est comme ça que déboule la philosophie du frigidaire pour nous donner sa belle leçon de vie, sa belle philosophie qui aurait pu être une philosophie de micro-onde ou une philosophie de grille-pain ou bien même une philosophie de tondeuse mais qui est finalement une philosophie de frigidaire.


Parce que le jeune homme, Davis, il n’y a pas qu’aux conversations de frigidaire qui fuit qu’il ne prêtait pas attention. Il ne prêtait pas attention non plus à toutes les autres conversations, ni même à toutes les petites choses qui pouvaient se passer autour de lui, ni même à ceux avec qui il partageait sa vie. Davis se contentait de se lever à 5h, de faire son jogging sur tapis devant des chiffres de marchés qui défilent sur une Télé, de prendre sa douche, et puis son train pour aller travailler, le casque sur les oreilles, et puis d’en revenir, le casque toujours sur les oreilles, parce que vivre comme ça, c’était facile.


Mais voilà que son frigidaire fuit, que sa petite amie meurt, qu’il se met à écrire des lettres au service après-vente d’une entreprise de distributeur de confiseries parce qu’il n’a pas eu ses M&m's, des lettres où il écrit tout ce qu’il ressent parce qu’il n’a personne à qui en parler, qu’il rencontre Karen du service après-vente qui en est tellement émue qu’elle l’appelle, et qu’il rencontre aussi le fils de Karen du service après-vente, Chris, qui à 15 ans, en paraît 12 et agît comme s’il en avait 21 et qui se demande si peut-être il ne serait pas gay, qu’il se met à vouloir réparer le frigidaire qui fuit et à vouloir voir ce qu’il peut bien y avoir à l’intérieur, qu’il se met à vouloir réparer et à vouloir voir ce qu’il peut bien y avoir à l’intérieur d’à peu près tout ce qu’il croise, qu’il se met à faire attention à tout ce qui l’entoure et à tout ceux qui l’entourent et à être tout le temps sincère. A être celui qu’il est vraiment, parce qu’être celui qu’on est vraiment, ça fait vraiment du bien, même si on s’en fait violemment lyncher la tronche.


Et la philosophie du frigidaire est plutôt agréable à suivre, avec ses plans de Gyllenhaal, de ses lunettes de soleil et de sa bonne bouille au milieu de la foule, avec la jolie Naomi Watts, son visage usé et son cannabis thérapeutique non thérapeutique, avec Judah Lewis (le fils), sa dégaine et ses doutes identitaires, avec ses scènes défouloirs entre Davis et Chris qui cassent tout, tirent dans les bois et se défoulent en musique dans le garage.


Alors la philosophie du frigidaire, même si on l’a déjà vu ou entendu aussi souvent qu’il n’y a de frigidaires qui fuient un peu partout sur terre, ou tout du moins dans une ville de taille moyenne, prenons Quimper, avec son message optimiste qui dégouline de guimauves à la crème fouettée, elle apporte à votre après-midi, ou à votre soirée, ou bien même à votre matinée, englobons à votre journée, un petit vent de fraicheur, frigidaire oblige.

Clode
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le 6 avr. 2016

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