Cela fait des mois que je cherche comment parler d’Eighth Grade le mieux possible et ce n’est pas si facile que je l’aurais voulu. Pour cette raison, l’écriture et la publication ont été maintes fois repoussées.
Le but était évidemment d’écrire le meilleur texte possible. Un texte dont je pourrais être fier, peut-être analytique et au plus proche de ce que j’ai pu ressentir lors de mes visionnages.
Bref vous voyez, à peu près.
Ne voulant passer à autre chose tant que cet écrit n'était pas terminé,j’espère que
celui ci me permettra d’avancer et libérera quelque chose chez moi au niveau de
l’écriture.
Cependant croyez bien que l'écriture sera plus rapide les prochaines fois car de toutes évidences moins personnelle.
Cette critique n’est donc pas parfaite, mais je suis heureux de la publier et en dépit d’un manque de confiance certain, je m’y suis appliqué.


Venons-en à la critique elle même :


Eighth Grade suit la dernière semaine dans une « middle school » américaine de Kayla jeune fille de 13 ans, assez solitaire et mal dans sa peau vivant chez son père Mark. Cette semaine décisive doit la mener à la découverte de son nouveau lycée.


La première chose qui frappe est le parti-pris très contemporain du film : le sujet étant ce que signifie être jeune aujourd’hui dans notre société "hyper connectée". Plus encore, le film tente de filmer le plus naturellement et factuellement la difficulté de grandir dans cette société, lorsque nous nous en avons les codes et les usages mais n’y sommes pas entièrement à notre aise. Ou peut-être plus simplement comment vit aujourd’hui une adolescente anxieuse.

Ce qui entraîne la présence en masse des réseaux sociaux sur lesquels ces jeunes doivent être implicitement présents et se présenter constamment à leur avantage.
Et faire beaucoup d’efforts pour cela.
En cela, j’y vois, un héritier direct de The Social Network. Attention si j’écris cela ce n’est pas pour signifier que les deux films auraient la même ambition formelle ou la même ampleur narrative. Non simplement qu’a mon sens aucun film depuis le chef d’œuvre de Fincher et Sorkin n’a proposé un contrepoint aussi satisfaisant à ce qu’impliquait la révolution des mentalités en construction dans le premier film.
Nous sommes donc cette fois, de l’autre côté. Du côté du public et de ces jeunes utilisateurs en particulier, ceux que la « révolution » ayant lieu depuis la fin des années 2000 a touchés le plus profondément. Kayla n’est qu’une enfant devant grandir vite si elle veut faire bonne figure devant ses camarades qu’elle souhaiterait amies ou devant un des garçons de sa classe dont elle est amoureuse. Cependant elle n’a pas forcément les armes ou la confiance pour se détacher de ce diktat de la popularité et de la séduction.
Elle souhaite elle aussi se faire une place sur internet. Son naturel optimiste et soucieux des autres, la pousse donc à poster de nombreuses vidéos de motivation et d’inspiration qu’elle produit sur Youtube. Celles-ci émaillant le long du film. Mais plus encore, ce qu’elle souhaiterait, c'est avoir un peu de l'aisance que les filles "populaires" ont pour échanger avec les autres.
Ce sont celles-là même qu’elle côtoiera le temps d’un après-midi et surtout lors d’un moment de piscine vécu comme une épreuve et filmé comme tel. En effet, un long travelling arrière indiquant le champ de mine à traverser accompagné par une musique électronique oppressante.
Quelques scènes auparavant, le téléphone de Kayla est paradoxalement une manière pour elle de se renfermer et d’échapper à la réalité. Celle des discussions sérieuses avec son père, où un adolescent (ou une adolescente en l’occurrence) ne souhaite pas lui raconter comment se passe notre vie en dehors de la maison sinon le plus brièvement possible, pour ne pas qu’il s’inquiète et parce que c’est déjà assez compliqué comme ça probablement.
Ensuite ce qui distingue le long métrage, c’est aussi sa capacité à se décentrer de notre époque pour toucher à l’intemporel.
Lors d’une de meilleures scènes (il faut bien choisir), Kayla est dans un ascenseur, filmée de dos, montant pour retrouver de potentiels nouveaux amis. Cette montée est significative de l’angoisse et surtout de l’attente que la jeune fille a pu placer en cette journée.
Ainsi la manière dont elle est filmée lors de la suite de cette scène est extrêmement judicieuse :
Prise à part de tout le groupe, ne sachant pas quoi dire, tâchant simplement de faire bonne impression.
Je ne vais plus trop en dévoiler, le long métrage étant tout de même assez court. Tout juste dirais-je qu’il alterne d’une façon habile les scènes les plus dures avec celles d’une douceur plus que bienvenue.


Mais peut-être qu’avant tout, si le film est aussi bon, il le doit en majeure partie et j’aurais dû en parler plus tôt, à la performance de ses acteurs. En premier lieu, rayonne Elsie Fisher qui livre une performance inouïe de justesse et surtout de sincérité et semble-il presque de vécu . Je n’en fais pas trop si je dis que rarement une prestation d’actrice m’a convaincue autant. Que ce soit lorsqu’elle fait les cents pas en téléphonant, ou bien lors du repas dont j’ai parlé plus haut ou lors des vidéos, elle nous fait puissamment par son sourire entrer en empathie pour cette fille dont les appréhensions sont visibles mais qui fait de son mieux pour être une bonne personne et aider d’autres jeunes comme elle.



She was the only one who felt like a shy kid pretending to be
confident – everyone else felt like a confident kid pretending to be
shy.



Espérons pour ses futurs projets en tant qu'actrice une meilleure distribution.
Les autres acteurs seconds rôles sont aussi excellents, tous très justes et crédibles en tant que véritables êtres humains et pas seulement personnages de cinéma. Mais c'est Josh Hamilton qui joue Mark, le père de Kayla a certainement le plus beau moment du film, ou l'on le retrouve lui et elle devant l'intimité d'un feu de bois et se parleront honnêtement pour la première fois depuis surement très longtemps.


Avant de conclure, saluons auparavant le travail fait sur la BO par Anna Meredith -composant de nouveaux morceaux ou reprenant certains titres de ses albums.
Elle livre un son électronique pouvant être doux et moderne ou au contraire assez oppressant qui sied parfaitement à l’atmosphère recherchée.


J’attends désormais de voir que Bo Burnham pourra nous proposer après ce film qui est déjà un sacré coup de maître. Aux dernières nouvelles, il souhaiterait remonter sur scène et je ne peux que vous conseiller de regarder ses spectacles, en particulier « What » et plus encore « Make Happy », spectacles on ne peut plus inventif pour le dire rapidement et dont certaines thématiques sont communes avec ce premier film.
Un second film se passant à l'université serait aussi à l’écriture.


*> Just cause things are happening to you right now, doesn't mean that



things are always going to happen to you. You never know what's going
to happen next and that's what makes things exciting and scary... and
fun...*



Gucci !


Un article du L.A Times sur la note d’intention du film par Bo Burnham lui même
https://www.latimes.com/entertainment/envelope/la-en-mn-eighth-grade-bo-burnham-20181212-story.html?outputType=amp&__twitter_impression=true


Ici, je vous laisse chercher le texte de Kelly Fremon Craig, réalisatrice de l’excellent The Edge of Seventeen
https://www.indiewire.com/2018/12/directors-best-movies-tv-2018-guillermo-del-toro-edgar-wright-pedro-almodovar-1202030788/


Et pour finir je vous recommande, les vidéos de la très bonne chaine d’Alphi qui a à peu près dit ce que je voulais sur ce film bien avant que je ne m’y mette. Vous y retrouverez également une vidéo sur le travail de Burnham en général. Et globalement sa chaîne est passionnante donc n'hésitez pas à aller la voir !
https://www.youtube.com/watch?v=PyUK5w6AxD0
https://www.youtube.com/watch?v=vEDT86nIC2U

Martial_Le_Sommer
10

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Créée

le 15 mai 2019

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