Malgré un premier quart d’heure un peu longuet, ce film est merveilleux, un vrai régal à tout point de vue. Tavernier est un des réalisateurs français que j’apprécie le plus, de ce que j’ai pu voir, Coup de torchon, La princesse de Montpensier, La vie et rien d’autre et Le juge et l’assassin m’ont tous enthousiasmé. Avec Des enfants gâtés, Tavernier nous offre un film d’une grande simplicité tout en y ajoutant un regard profond sur ses personnages et la vie qu’ils mènent. C’est un film sur la vie, les voisins que l’on croise sur le palier, les réunions de copropriété un peu (beaucoup) barbantes, les combats que l’on peut mener pour avoir un peu plus de droits, la solidarité qui s’organise etc . Avec un film qui croise plusieurs regards, plusieurs thématiques se faisant écho permettant un tout cohérent, chaque spectateur est libre de choisir ce qui l’intéresse le plus dans ces vies entremêlés.
Il y a bien sur l’aspect social, de la lutte, où les locataires de cet immeuble des années 70 essayent d’obtenir gain de cause face aux magouilles peu scrupuleuses d’un influent promoteur immobilier qui n’hésite pas à surtaxer dans l’unique but de renflouer ses caisses. Face à cela, les habitants sont presque contraints de s’entraider, réunions de comité, tractage, interviews auprès de journaux, le tout dans une bonne humeur constante où le combat de la journée laisse place à l’amitié et à la décontraction lors de leurs diners.
On y voit un Paris qui s’urbanise, où les bureaux qui s’y construisent rasent la verdure et déplacent sauvagement les logements HLM. C’est une mutation grise, où les sourires contrastent face aux façades blêmes et aux chantiers bruyants. C’est aussi aussi une réflexion sur le cinema et la création, Antoine Rougerie interprété par Piccoli est obsédé par l’écriture du scénario de son film, accompagné de son ami co-scénariste, qui contrairement à Antoine souffre de misère sexuelle. Le scénario évoluera avec la prise de conscience de l’écrivain sur la réalité sociale qui l’entoure, Paris est abandonné pour ancrer l’histoire dans la province, puis le protagoniste qui était un homme deviendra une femme. Il y aussi la thématique des enfants, le titre du film nous intrigue. De nombreuses scènes sont coupées sans crier gare par les interventions d’une pédopsychiatre, femme d’Antoine, qui essaye d’améliorer la communicabilité des enfants qu’elle soigne. C’est un film sur la communication grandissante, des malentendus et des rapprochements. Ce film c’est aussi et surtout l’histoire d’amour vécue entre Antoine et Anne, plus jeune que lui, au chômage et locataire dans le même immeuble. C’est également une ode à la femme (Christine Pascal est sublimée) et à ses revendications. On y parle du désir de s’émanciper de l’homme, de n’être plus celle qui attend derrière la porte, du plaisir sexuel et de la médiocrité des hommes à en procurer aux femmes. C’est avec candeur et force qu’Anne met en péril la force tranquille que dégageait Antoine. Ce dernier étant abandonné par Anne, il retourne chez sa femme pour pleurer comme un grand enfant. C’est un film tiroir où vous trouverez votre bonheur quoi qu’il arrive. Regardez le pour la lutte et les questions sociales qui entourent les années 70, ou pour la mise en abime de la création scénaristique ou pour l’histoire d’amour ou regardez son tout, ce qui est encore mieux. Tout n’est pas excellent, la photographie est moyenne, le film est parfois maladroit mais il a une force, celle de nous conquérir avec des mots et des situations simples mais qui retentissent.

Julia75
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le 7 juil. 2020

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Julia75

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