Je me trompais toujours pour dire le titre. Je disais toujours "Des dieux et des hommes" et non l'inverse. Mais à force de m'obliger à mettre les mots dans le bon ordre, à m'obliger à placer les hommes avant les dieux, j'ai peut-être inconsciemment réalisé que le film de Xavier Beauvois est avant une affaire d'hommes qu'une affaire de religion ou même de spiritualité. Ici, ce n'est pas une publicité inopinée pour l'Eglise ou la foi, après les scandales pédophiles de l'institution catholique, mais une mise à l'épreuve des hommes face à leur conviction les plus profondes.

Et ce film a ceci d'intéressant. Les moines de Tibhirine vivaient dans un relatif confort, en étant à la fois retiré de la société (une sorte de neutralité) tout en se mêlant et en aidant la population du village avoisinant. Les premières images montrent cette vie simple mais subtilement pleine de bonheur et apaisante.

La clé du film est de faire surgir l'extérieur au sein du monastère et de contraindre ces hommes qui n'aspiraient qu'à la paix devoir prendre une décision : celle de fuir ou celle de rester, l'expression la plus simple et la plus implacable de la mise à l'épreuve.

Le film a donc en son cœur le doute qui ronge le quotidien. Ici, pas question de rester pour devenir bêtement un martyr, un héros. Non, rester ou partir est un acte mûrement réfléchi, qui dépend de chacun, et qui le fera en connaissance de cause. Le film atteint son sublime avec ces plans de l'extérieur (la présence de la nature et du quotidien qui s'y ancre est sans doute ce qu'il y a de plus beau à voir), cette nature qui les environne de toute part d'où peut surgir le danger. Ils sont comme un fort assiégé autant par les armes que par le choix.

Une fois prise leur décision de rester, par conviction du bien fondé de leur présence, c'est l'attente qui prend place, celle de voir un jour inévitablement arriver les hommes armés et de subir les conséquences de leur choix, de leur conviction. Pudiquement, avec retenu, Xavier Beauvois filme leur fin et rend honneur à leur dignité d'hommes.
numerimaniac
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le 29 déc. 2010

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