Pour obtenir un Grand Prix à Cannes, c'est très simple, il suffit de suivre certains critères. Le plus important, c'est de choisir son sujet. Entre celui qui prétend capter tel un pseudo-docu craspec une misère sociale caricaturale caméra à l'épaule, celui qui s'attarde sur les histoires de fesses de la petite bourgeoisie intellectuelle, et le pensum politique pachydermique qui dénonce avec tant d'audace le Ku Klux Klan en 2020, le panorama est vite vu. Et le cinéma dans tout ça? Eh bien, c'est très secondaire, pensez vous, on parle de choses sérieuses.
Avec DHEDD, on est ci dans le registre du "drame inspiré d'une histoire vraie suffisamment ancienne pour ne pas se taper une accusation de voyeurisme, mais suffisamment actuelle dans son ressort, l'extrémisme religieux, pour susciter l'enthousiasme."
Commençons par le point positif. Cette scène, bien qu'elle ne déroge pas à la tentation d'un symbolisme christique emphatique, résume à elle seule ce que le film aurait pu et aurait dû être. Un moment de cinéma et de suggestion; un moment où toute la dramaturgie passe le rythme du montage s'attardant plus ou moins sur les expressions des visages, plutôt que par le ronflement de dialogues consensuels dans une mise en scène dénudée.
Car mis à part ces quelques minutes où mille émotions et tourments passent à l'écran sans moufter un mot, DHEDD est vieillot de partout, et pas seulement à cause de la moyenne d'âge de son casting. Heureusement que Lonsdale est là pour cabotiner et jouer au vieux grigou plaisantin de temps en temps, ça fait au moins un personnage concret dans ce monastère. C'est tout de même terrible de faire un film si lent, qui prenne tant le temps de filmer ses personnages, sans que jamais ces personnages ne parviennent à s'incarner.
Je pourrais tenter de convaincre sur l'absence de direction artistique; les moines échangeant leurs états d'âmes dans un décor caractérisé par l'absence de décor, priant dans un monastère qui ressemble à une maison en travaux, travaillant auprès d'un village qui jamais ne s'incarne au delà d'une ruelle dégueulasse, et méditant dans une ruralité kabyle de carte postale.
Je pourrais tenter de convaincre sur l'inanité de dialogues utilitaires et d'un script pseudo-docu, ne faisant que relater les faits avec guère plus d'ambition que le Dreyfus de Polanski et autres Affaire SK1, ce qui suffit déjà à faire bander l'intelligentsia allergique aux "artifices de mise en scène", pour qui un bon film est un film qui ne fait pas de cinéma.
Je pourrais tenter de convaincre sur la photographie terne digne d'un téléfilm, sur la mollesse du montage et ses artifices grossiers, comme ce plan fixe sur une scène de messe égrenée de temps à autre tout le long du film en tant que point de montage entre deux scènes...
Mais ce qui reste le plus agaçant dans ce film, c'est son absence totale de point de vue. Contemplatif pour rien, DHEDD relate doctement ce qui s'est passé avec le sérieux d'une dépêche AFP. y a des papys qui prient et qui labourent, et puis y a des méchants enturbannés qui viennent les enlever, et puis on sait pas pourquoi mais on les tue. Le cul non pas entre 2 mais entre une demi-douzaine de chaises, ce film est constamment timoré et n'ose rien. Conscient qu'il est de s'attaquer à un sujet "sensible" qui pourrait lui attirer des accusations de tout et son contraire.
Or, je ne sais pas vous, mais si j'avais été un paisible septuagénaire décapité par des fanatiques religieux dans un pays en guerre civile, j'aurais préféré que cela suscite un film avec autrement plus d'ambition.
Visiblement transi de peur à l'idée d'être accusé de voyeurisme, de spectaculaire, de complaisance, d'islamophobie, de bigoterie, de je ne sais quoi, DHEDD en finit par n'être... rien du tout.