Sans aucun doute un des meilleurs films de science-fiction des années 50, consacré au thème alors populaire des animaux géants ou monstrueux, en l'occurrence des fourmis ; on verra aussi dans la même période, araignée avec Tarantula, scorpion avec le Scorpion noir ou mante religieuse avec la Chose surgie des ténèbres.
Aux Etats-Unis, Des monstres attaquent la ville eut un énorme succès, en France, il y eut peu d'audience car on méprisait la SF, il faudra attendre bien des années pour que ce type de film ait enfin une reconnaissance de la part d'un public avide de sensations, et je me souviens qu'avant sa diffusion télé à la Dernière Séance dans les années 80, je n'avais jamais pu voir ce film lors d'une reprise en salles comme c'était le cas chaque été, car dans les années 70 et 80, les cinémas faisaient relâche et ne sortaient pas des blockbusters comme de nos jours, la période estivale était consacrée aux reprises de grands classiques, en général de grosses superproductions, c'est ainsi que j'ai grandi en découvrant sur écran géant des films comme Ben-Hur, le Pont de la rivière Kwaï, les Dix commandements ou les Sept mercenaires... On ne pouvait donc pas voir des séries B, ou alors il fallait aller à Paris dans de petites salles spécialisées qui ne diffusaient que des films d'exploitation. Ce point d'histoire étant établi, voyons ce film.
Sous ses dehors de film d'évasion, Des monstres attaquent la ville participait en réalité à tout un courant qui se voulait un avertissement concernant les dangers du nucléaire, ces films "à bestioles" témoignaient de la peur de l'Amérique devant ces recherches atomiques, d'où ces fourmis rendues géantes par la mutation biologique consécutive à des essais nucléaires qui en plus révélaient la faiblesse de l'homme (et aussi sa folie) face à une puissance qu'il risquait de ne pas pouvoir contrôler. Au Japon, le même cri d'alarme sera lancé par Inoshiro Honda avec son Godzilla né de l'atome ; l'essai sera plus puéril, alors qu'en Amérique, on a vite oublié la peur atomique pour la troquer contre la parabole politique. Hantise atomique typique des années 50, mais aussi plus sûrement via le maccarthysme, peur de l'ennemi rouge, qui pourrait se glisser à l'intérieur du pays pour corrompre les belles valeurs de la démocratie américaine. La dernière scène du film est d'ailleurs sans équivoque par son discours volontiers pessimiste.
Mais au-dela de toutes ces considérations politico-scientifiques, cette excellente série B reste avant tout un habile et très efficace film de science-fiction, sans vedette, avec de solides seconds rôles conduits par l'indispensable James Whitmore, et dans lequel on assiste à la lutte de diverses autorités, militaires, policières et savantes pour tenter d'enrayer et de détruire un fléau d'un type nouveau. Le talent de Gordon Douglas suffit à faire oublier les messages politiques en distillant une véritable angoisse, surtout bien menée au début du film (murs défoncés, tôles arrachées, disparition des réserves de sucre), de même que la fin située dans les égoûts de Los Angeles est une indiscutable réussite. Alors évidemment, les effets spéciaux avec ces grosses bestioles articulées et téléguidées par des techniciens, avançant parmi des maquettes qui ressemblent à des jouets, feront rigoler certains de mes jeunes éclaireurs, mais pour l'époque, c'était pas si mal, et c'est ce côté rudimentaire qui justement fait tout le charme de ces films à l'ancienne ; parfois, il m'arrive même de préfèrer leur naïveté à ces CGI dégueulasses qu'on voit dans les films modernes.

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le 7 avr. 2020

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