Dès le générique se confrontent deux couleurs qui n’auront de cesse de s’imbriquer ou de se désunir : le noir d’une part – et le blanc des visages – incarne le deuil et, plus largement, la rigidité d’une communauté enracinée dans ses traditions ; le bleu d’autre part, électrique, détonnant avec le cérémonial jusqu’alors installé au point de clôturer le métrage sur une chanson pop. Entre ces deux tonalités se débattent trois personnages merveilleusement interprétés aux dilemmes intérieurs puissants que les mots ne suffisent guère à rapporter. Car tout se passe dans le regard, au fond des larmes versées et de la retenue affichée ; les consciences sont tourmentées et vibrent sans que nous n'y ayons accès : l’une reste, l’autre part puis revient, hésite à faire sa valise pour enfin prendre un taxi et faire marche arrière. Désobéissance est une danse immobile à l’image de deux femmes se laissant aller, un temps, sur The Cure et leur Lovesong ; si la parole s’avère défaillante, c’est parce que la passion naissante ne dispose pas des termes adéquats pour se traduire, à l’exception de cette liberté prônée par le vieux rabbin sur le déclin comme emporté dans un ultime sursaut de lucidité. Voilà pourquoi la fin balbutie, semble accumuler les plans annonciateurs d’un écran noir sans s’y résoudre : nous sommes errants, sans indications quant à la manière de mener désormais une vie puisque cette dernière ne correspond plus aux canons religieux et moraux imposés jusqu’alors. Si le métrage joue cette ultime carte comme une facilité, lui évitant de trancher et de prendre position, force est de constater qu’il passionne de bout en bout malgré quelques longueurs finales. Beaucoup de questions à la sortie de Désobéissance qui parvient à traiter un sujet difficile avec pudeur et justesse, se montrant profondément respectueux de la communauté qu’il investit et de l’homosexualité qu’il aborde. Une œuvre forte et poignante.

Créée

le 9 janv. 2019

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