Michel Franco s’était déjà fait une réputation plus ou moins sulfureuse avec son précédent film, Daniel et Ana. En 2012, le réalisateur mexicain renforce sa notoriété avec Despues de Lucia avec lequel il gagne le prix un Certain regard au festival de Cannes 2012. Suite à la mort de sa mère, Alejandra déménage avec son père dans une nouvelle ville, à Mexico . Elle découvre un nouveau lycée. Mais suite à une soirée arrosée et une sextape faite à son insu, sa vie va basculer et ses camarades vont lui faire vivre un enfer.


Cette descente progressive dans l'humiliation est un coup de force visuel qui en bousculera plus d'un. Immobile, la caméra n’accompagne et n’effleure jamais les mouvements ou les émotions de ces jeunes lycéens, plus barbares les uns que les autres. La mise en scène opaque et rude met le spectateur aux premières loges d'un spectacle incandescent de sordidité.


Il y a une volonté de coincer le spectateur face aux images auxquelles il est confronté, dans un but de montrer les non-dits d’une société sans scrupules où la cellule familiale a de plus en plus de failles. Dans le jeu des comparaisons un peu incongrues, on peut citer le dernier clip de Xavier Dolan pour le groupe Indochine sur le sujet de la violence faite à l’école. Là où le réalisateur canadien s’enfonce dans une esthétique grandiloquence qui retire toute authenticité et toute au force au propos, Michel Franco préfère jouer la carte de l’ultra réalisme qui choque et frappe là où ça fait mal. Ne s’abaissant jamais à une étude sociologique de comptoir, le film se concentre sur son schéma visuel d’une froideur insoutenable.


Certains verront en Despues de Lucia, un film racoleur et voyeuriste ne faisant qu’empiler un ensemble de scènes de plus en plus insoutenables visuellement et psychologiquement parlant. Son jusqu’au-boutisme dans la haine et dans la victimisation de sa protagoniste propulse le spectateur dans une position d’impuissance et de dégoût qui en révulsera certains.


La mise en scène et la misanthropie du cinéma de Michel Franco rappelle fortement un certain Michael Haneke. Il est difficile de prendre du plaisir devant un tel spectacle mais l’objet cinématographique est assez fascinant par sa volonté de montrer une imagerie chaotique du quotidien par le biais d’une mise en scène des plus minimalistes. Mais la force du film ne provient pas que du choc visuel proposé au spectateur. Michel Franco entretient une certaine ambiguïté dans l’immoralité. Alejandra subit les choses mais ne s’en plaint jamais ni auprès de son père ni auprès d’un quelconque ami.


Comme une âme damnée, se sentent coupable de la mort de sa mère, elle vit son cauchemar comme une étape horrifique, obligatoire pour atteindre la rédemption. Mais est ce que toute faute mérite sentence? On regarde le parcours chaotique de cette jeune femme , victime de la férocité d'une jeunesse n'ayant plus froid aux yeux pour se divertir. Véritable film coup de poing, Despue de Lucia se termine sur un incroyable plan séquence d’une violence inouïe laissant dans l’effroi le plus total .

Velvetman
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le 17 févr. 2014

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Velvetman

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