Quand l'auteur reste spectateur penaud

Alejandra, 15 ans, aménage avec son père dépressif à Mexico. Ils mènent chacun une vie déréglée, sous le seau de l'ennui et d'une anxiété diffuse. Le malheur doit s'abattre sur ce binôme cassé. Avec ses airs d'Haneke (Caché, La Pianiste), la mise en scène de Michel Franco le certifie. Après la diffusion sur internet d'une vidéo où elle se fait prendre lors d'une soirée, Alejandra est harcelée par les garçons du lycée, puis par ses amis, finalement par tout le monde. Elle est la pute sans âme, qui a l'impudence de pleurnicher ou refuser qu'on la traite comme tel.


L'exercice est toutefois assez vain, au mieux remplit-il une mission pédagogique en assurant la représentation la plus passe-partout possible. Despues de Lucia est un film assez fainéant. Il brasse un sujet-choc et laisse faire les événements, affichant, généralement avec une grande pudeur, les éléments trash ou violents voués à survenir ; jusqu'à un final bête et macabre. Les concepteurs semblent se repaître de la perfidie de leur produit, mais celle-ci aurait plus de densité si on la couchait seulement sur le papier, car alors l'esprit du lecteur met en œuvre le décors des turpitudes énoncées, devine les motivations ; là où Despues de Lucia expose au mieux les enchaînements.


Despues de Lucia cite tous les gros morceaux de l'affaire en restant le plus aseptisé possible, puis bouche les trous autour avec une main de fer fatiguée. L'anonymat du point de vue est une potentielle marque de respect pour les deux victimes au cœur du dossier, mais le goût du factuel pur et dur ne mène à rien s'il s'agit toujours de détourner les yeux lorsque les choses se gâtent trop fort. Les faits émeuvent mais l'histoire se planque. En dépit de ses prétentions naturalistes, Despues de Lucia cède aux caricatures pour huiler sa narration et fait preuve d'un manichéisme à toute épreuve.


Il y a Alejandra le fantôme et son papa, tous deux submergés dans un monde violent et trop rapide pour eux ; puis tous les élèves et les jeunes qui sont des salauds. Par conséquent le film est en équilibre entre une présentation de Graine et le mulet avec monteur (présent, déjà) malin en salle d'opération ; et représentation hypertrophiée un peu idiote, carrément minimaliste mais implacable digne d'un spot de prévention rigoureusement inutile. La séance est pourtant tendue et même relativement poignante, car le désespoir au programme est communicatif en dépit de la forme et du manque d'épaisseur.


https://zogarok.wordpress.com/

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le 28 mars 2015

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