En 2010, lors d'un voyage au Japon, j'ai eu l'opportunité de visiter Kamakura, ses temples aux mille marches et ses forêts. Je ne pouvais pas passer à côté de ce Destiny - Kamakura Monogatari, donc, lors du festival KinoTayo du film japonais contemporain.

Isshiki et Akiko sont jeunes mariés et emménagent tous deux dans la ville de Kamakura, réputée pour ses esprits, ses créatures et ses légendes. Pas de quoi paniquer Isshiki, auteur de romans fantastiques habitué des lieux, en revanche Akiko va devoir s'adapter à ce monde qu'elle ne connait pas.

Et autant prévenir tout de suite : je ne parviens pas à rester objectif face à ce film. Parce que j'ai passé un très bon moment, mais je reconnais qu'il est en roue libre.

Le problème majeur de ce film, c'est qu'il prend ses actes, les roule en boule et en fait des onigiri. On suit les petites péripéties des habitants de la ville, dans ce qui semble être une interminable scène d'exposition, et au bout de près d'une heure et demi, le film se réveille la bouche pâteuse et l'oeil gonflé en se demandant s'il ne serait pas temps d'instaurer de vrais enjeux à ses personnages principaux.
Une fois que c'est fait, la dernière demie heure est ultra rushée, ce qui est dommage parce que les décors sont magnifiques et qu'une dimension épique et transcendentale vient à peine de s'installer.
La sensation qu'on en tire, c'est que ce film est long, et dès qu'on s'attend à la fin, attends, voilà une sous-intrigue, et quand on arrive à 1h30 de pellicule et qu'on pense pouvoir remettre son manteau, attends mon gars, j'ai oublié de mettre un scénar dans mon bouzin !

Pour arriver à trouver une véritable quête, il aura fallu passer par ce qui serait des missions annexes dans un RPG. Akiko a donc recueilli un dieu clodo qui amène le malheur sur la maison, tandis qu'un ami d'Isshiko est devenu une grenouille-dragon sortie semble-t-il d'une cinématique PS3.
C'est donc un étrange et inhabituel parti pris : les enjeux forts des deux amoureux, avec leurs quelques scènes virant au drame, sont traités avec la même importance qu'un papy SDF divin offrant un bol à la maitresse de maison.

J'en viens à me demander si les occidentaux que nous sommes ne manquent pas simplement de certaines clés pour comprendre les quelques éléments glissés çà et là, et qui pourraient faire comprendre au spectateur averti quels enjeux vont finalement se mettre en place plus tard dans le film. La vue de cette petite statuette donne, à qui connaît le folklore japonais, l'indication de la légende qui sert de base au pitch. Telle estampe révèle et annonce la victoire du chevalier. Etc.

Et de toute façon, il n'est pas toujours facile pour nous, petits européens, de saisir totalement un cinéma aussi peu codifié que le cinéma japonais. Voilà pourquoi le traitement particulier des actes, du rythme, des enjeux, peut surprendre.

Alors qu'est-ce qui fait que j'ai passé un si bon moment ?
Pour commencer, l'humour omniprésent. De l'humour bon enfant, comique de situation dans la grande majorité du temps, miroir des vies de couple, où tout le monde peut donc se reconnaître.
Et ensuite pour le jeu d'acteurs convainquant. Certes on retrouve le surjeu indissociable du cinéma japonais, héritage du théâtre kabuki où les comédiens masqués devaient faire saisir des émotions sans que l'on voit leur visage, mais il est ici plus tempéré, preuve d'un certain recul et d'un certain talent. La relation entre Isshiki et Akiko est délicieuse et l'alchimie fonctionne à merveille entre les deux acteurs. Les protagonistes ont des personnalités bien définies et cohérentes, et le chara design est soigné.

Ce qui, enfin, frappe et marque, c'est la passion avec laquelle il a été conçu. Le film témoigne d'un amour infaillible pour le folklore et ses moyens d'expression. Y compris le cinéma. Tout baigne dans une forme de bienveillance, envers les spectateurs, les personnages, frôlant parfois le mièvre.

Alors non, je ne parviens pas à être objectif, parce que la démarche m'a touché. On est face à un gosse fan de fantastique qui a voulu mettre trop d'éléments sur son dessin par surplus d'optimisme. Et au final, ça m'a fait beaucoup rire. Assez étrangement, j'ai aimé suivre l'histoire de Jean-Paul transformé en grenouille, Jean-Jacques fait des ramen, et de nos héros qui rentrent littéralement à la maison en bol.
Destiny fait ce qu'il veut, mais il veut beaucoup de bien, et même si c'est déroutant, ça m'a fait plaisir. Le réalisateur est allé au bout de son délire, et à créé une oeuvre rafraîchissante et sincère.

Rafraîchissante et sincère, je prends.

QuentinYuanMalt
8
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le 21 févr. 2019

Critique lue 300 fois

Yuan Cloudheart

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