Volcan grondant

J'avais déjà évoqué ici l'importance des films de genre pour la politique intérieure et extérieure de la Corée du Sud.
Destruction finale fait donc partie de ces films à gros budgets destinés à prouver que la production cinématographique coréenne n'a rien à envier aux films hollywoodiens. Sur la forme, il coche en effet toutes les cases du film catastrophe grand spectacle : éruption volcanique, explosions, destruction de pont, moments d'humour, enjeux humains personnels, etc.
Là où, en revanche, le film innove, c'est dans sa dimension géopolitique :
D'une part le film intègre les problématiques inerrantes à la situation actuelle de la Corée du Sud dans son scénario. La critique de l'ingérence militaire américaine et les relations tendues avec la Corée du Nord viennent complexifier (un peu) l'intrigue et justifient quelques retournements de situations là où, dans un film catastrophe classique, les chamboulements interviennent surtout à grand coup de Deus Ex Machina prenant la forme des caprices de la nature venant embêter les héros de l'histoire au pire moment.
Le film nous fait également comprendre que Corée du Sud, empêchée d'être une puissance nucléaire par les américains, se voit être à la merci de la Corée du Nord (qui, elle, possède la bombe) et dépend entièrement de la défense envahissante des États-Unis pour se protéger. Le fait que le gouvernement sud-coréen décide s'agir contre l'avis des américains va d'ailleurs dans le sens d'une affirmation nationale déjà évoquée dans l'article cité plus haut.
D'autre part, et c'est là le point qui m'intéresse particulièrement, la situation réelle de la Corée du Sud a influé sur les choix de scénario du film. Le fait que, dans l'histoire, les militaires doivent utiliser des balles en caoutchouc lors de leur mission d'infiltration pour ne pas tuer de soldats nord-coréens est un impératif politique ayant prise dans la réalité. En effet, si la Corée du Sud souhaite que son voisin du nord, très susceptible, ne prenne pas la mouche face à la mort fictionnelle de ses soldats, il a fallu que le scénario s'adapte en conséquence. On perçoit particulièrement bien ce choix volontaire lorsque le film se montre peu frileux à tuer des soldats américains, moins susceptibles et bien plus habitués à mourir sur grand écran.
On pourrait même ici se hasarder à voir dans l'éruption du mon Paektu la métaphore du danger nord-coréen, prêt à exploser à n'importe quel moment : imprévisible, peu subtil, mais spectaculaire.

Destruction finale, sans le vouloir peut-être, illustre parfaitement le fait que le cinéma (et l'art en général) puisse être un instrument de diplomatie. Le film se finit d'ailleurs par la reconstruction commune entre les deux corées. Message d'espoir et volonté de réunification autour d'un projet commun viennent donc conclure le propos.