Oui, le sujet est facile. Oui, il y a un peu de caricature sans doute, parce que [ATTENTION SPOIL] mettre un bon petit suicide dans le film ça aide à émouvoir et à frapper le spectateur. Oui, une jeune fille de 15 ans qui fait le trottoir ça met un peu de piment.
Et pourtant, et pourtant ce film est un excellent film. Pourquoi ? Tout d'abord, les acteurs sont bons, et Adrian Brody tout particulièrement est absolument parfait. En plus, s'il n'est pas beau, il dégage quelque chose et il brille dans son rôle de prof remplaçant à la fois torturé et "détaché", comme son nom l'indique. Mais sans fioritures, sans sentimentalisme dégoulinant, avec une sobriété extraordinairement touchante.
Touchant : deuxième point. J'ai pleuré pendant la moitié du film. Les histoires de Barthes, Erica, Meredith, sont assez bouleversantes.
Troisième argument : comme l'indique la liste dans lequel j'ai placé le film, le visuel est très beau. Il y a parfois des plans étranges et un peu agaçants (gros plans répétés sur Brody, flashbacks rouges), mais il n'empêche que le tout est empreint d'une poésie dure, sans être comme je l'ai déjà dit mielleuse.
J'ajoute que ma mère, prof de son état, était dans la salle avec moi. Elle s'y connaît un peu en enseignement, et elle n'a pas trouvé ça exagéré. Bien sûr, tous les ingrédients sont réunis pour montrer la détresse de l'enseignement scolaire, les difficultés des professeurs, les parents qui croient que leurs enfants sont parfaits, etc. Mais il y a une très grande part de vérité, et ce film n'en est que le condensé.
Enfin, je vois plus ce film comme l'histoire d'un homme que comme une critique virulente de l'éducation. Il y a de ça bien sûr, mais ce n'est pas le plus frappant et ce portrait est une des raisons d'être du film, à mon humble avis.
Bref, Detachment a d'indéniables faiblesses, causées par son sujet même. Mais Detachment a aussi de quoi faire pleurer comme une madeleine devant la détresse humaine (le discours de Lucy Liu à son élève incapable est un foudroyant appel au secours dont la justesse me va droit au coeur), et que voulez-vous, j'aime bien pleurer comme une madeleine.