Detachment c'est un peu une version désanchantée, pessimiste et désabusée du célèbre manga GTO. J'ai eu énormément de mal à me mettre dans le film au début, la faute à des choix de mise en scène très particuliers. La caméra est extrêmement mobile, on passe toujours d'un plan à l'autre ce qui fatigue beaucoup le regard. D'autant plus que certains plans sont vraiment inconfortables à regarder (comme les plans en contre-plongée, presque nauséabonds) ! Au début je trouvais donc que l'esthétique n'était vraiment pas maitrisée, qu'il y avait un côté brouillon, "essai technique" qui aurait gagné à être retravaillé. Après avoir vu tout le film, je reste un peu sur cette conclusion mais je pense que cet effet très mouvant, s'il peut sembler mal géré, est voulu par le réalisateur. Et là-dessus le film est assez impressionant. La mise en scène est aussi parlante que l'histoire en elle-même : avec une caméra qui change toujours d'angle de vue, on est dans l'incapacité de rentrer dans l'intimité des personnages, de les cerner. On garde sans cesse une énorme distance avec le film, on est toujours ramené à notre exteriorité puisqu'on ne peut jamais poser notre regard fixement sur les acteurs. Le détachement d'Henry est donc comme communicatif au spectateur, j'ai du mal à expliquer cette impression de recul par rapport au film mais je la salue largement. Mais ce qui m'a dérangée c'est toute la lourdeur qui émane de Detachment. La quasi omniprésence de la voix-off, avec ce grain de voix très posé d'Adrian Brody et ces phrases formulées à la manière d'un essai philo-psychologique (un peu comme dans Tree of Life), s'ils apportent une belle gravité au film, le rendent aussi presque indigeste de noirceur. C'est lourd, c'est pesant, et les flash backs sur l'enfance difficile d'Henry n'arrangent rien à cette impression. Même si le film, après l'explosion (très bien rendue à l'écran d'ailleurs) finale se révèle un brin plus solaire, il nous emprisonne aussi dans un espèce de voyeurisme qui nous prend en otage affectivement. Et pourtant, j'ai beau avoir été gênée par cet espèce de naturalisme extrême, je dois reconnaître au film une immense capacité à toucher. Detachment est poignant, prenant, la fin surtout est d'une incroyable intensité. Les dialogues sont très durs et très sombres, ils prennent à la gorge. On reconnait bien là la patte de Tony Kaye, illustre réalisateur d'American history X. Les acteurs réalisent des performances grandioses. Adrian Brody est magnifique (et je pèse mes mots) en homme torturé qui se retrouve pris à son propre piège. Les jeune sont tous juste monstrueux de justesse, Lucy Liu (et sa séquence de pétage de cable) est bouleversante aussi... En résumé, j'ai été dérangée par cet espèce de pathos généralisé et par ce ton hyper moralisateur que Kaye se permet d'emprunter (à en voir son film on croirait qu'il a tout compris à l'espèce humaine et ses travers). Il y a quelque chose dans Detachment qui me chiffonne beaucoup mais je ne peux pas mettre moins de 3.5 pour un film qui m'a autant touchée.